Nigeria. Le bien-être des femmes et jeunes filles secourues est primordial

L’information selon laquelle près de 300 femmes et jeunes filles ont été « sauvées » des griffes de Boko Haram par l’armée nigériane est encourageante, mais il ne s’agit que d’une modeste victoire concernant la sécurité des milliers de femmes et jeunes filles enlevées par le groupe armée depuis 2014, a déclaré Amnesty International mercredi 29 avril.

L’organisation demande par ailleurs aux autorités de garantir que le traumatisme qu’ont subi ces personnes ne soit pas exacerbé par des contrôles de sécurité prolongés en détention.

« Cet événement est une bonne raison de se réjouir et sans aucun doute un immense soulagement pour les femmes et jeunes filles concernées, et leurs proches. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg ; des milliers d’autres femmes, filles, hommes et garçons ont été enlevés par Boko Haram », a déclaré Netsanet Belay, directeur des recherches et du travail de plaidoyer pour l’Afrique à Amnesty International.

L’armée a fait savoir qu’elle avait « sauvé » ces femmes lors d’une offensive contre le groupe armé dans la zone de la forêt de Sambisa (nord-est du pays).

Selon un rapport récent d’Amnesty International, plus de 2 000 femmes et jeunes filles ont été enlevées par Boko Haram. S’appuyant sur des entretiens avec des personnes qui se sont échappées, le rapport révèle que des civils ont été exécutés, torturés, violés et forcés à se marier dans les camps et villes contrôlés par Boko Haram.

Dans des cas précédents où des femmes et des jeunes filles avaient échappé à Boko Haram, elles ont été détenues pendant des semaines pour des contrôles de sécurité. Amnesty International appelle les autorités à garantir que leur bien-être physique et psychologique passe avant tout.

« Les souffrances infligées à ces femmes et ces filles sont absolument horribles. Certaines ont été violées à maintes reprises, vendues comme esclaves sexuelles ou endoctrinées et même forcées à se battre pour Boko Haram », a déclaré Netsanet Belay.

« Elles ont désormais besoin de soins médicaux et d’un soutien psychologique, mais aussi que l’on respecte leur vie privée. Le gouvernement doit veiller à ne pas ajouter à leurs souffrances en leur faisant subir des détentions et des contrôles de sécurité prolongés, qui ne feront qu’exacerber leur douleur et la difficulté de leur situation », a déclaré Netsanet Belay.

Les victimes de viol et d’autres formes de violence sexuelle et liée au genre, de tous âges et de tous genres, ont le droit de recevoir des réparations complètes. Amnesty International demande que :

  • le gouvernement nigérian mette les soins médicaux et services psycho-sociaux requis de toute urgence à la disposition de tous ceux qui ont vécu sous le contrôle de Boko Haram, en particulier toute la gamme des informations et services en rapport avec la santé sexuelle et reproductive.
  • le gouvernement nigérian veille à ce que le droit à la vie privée des personnes « secourues » ou s’étant échappées soit respecté, et prenne d’autres mesures afin de garantir qu’elles puissent réintégrer leur famille et la vie en communauté.
  • Boko Haram doit cesser d’enlever des civils et libérer immédiatement ceux qui sont détenus par des gardiens armés.

Complément d’information

Boko Haram, que l’ont peut traduire par « L’éducation occidentale est interdite », entend créer un État islamique et a prêté allégeance au groupe armé basé au Moyen-Orient qui se désigne sous le nom d’État islamique. Depuis 2009, Boko Haram mène une campagne violente contre les civils dans le nord-est du Nigeria.

Le rapport qu’Amnesty International a publié en avril 2015, intitulé ‘Our job is to shoot, slaughter and kill’Boko Haram’s reign of terror in north-east Nigeria, dénonce les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par ce groupe armé depuis 2014. Selon les recherches effectuées par l’organisation, Boko Haram a tué plus de 5 500 civils depuis le début de l’année 2014, et enlevé plus de 2 000 femmes et filles lors de descentes dans des villes et villages. À compter de juillet 2014, Boko Haram a pris le contrôle de grandes villes dans le nord-est du pays, imposant son régime brutal aux civils piégés sur son territoire.

Depuis février 2015, les forces armées nigérianes, avec l’assistance du Cameroun, du Tchad et du Niger, ont forcé Boko Haram à se retirer des villes importantes sous son contrôle. Des centaines de civils ont pu retourner dans des zones de nouveau contrôlées par le gouvernement après ces attaques.

Le conflit n’est cependant pas terminé et Boko Haram reste en mesure d’attaquer et de tuer des civils. L’armée nigériane s’est en outre rendue coupable de crimes de droit international et de violations des droits humains durant le conflit, notamment d’exécutions extrajudiciaires, d’homicides en détention, d’actes de torture, de détentions illégales et d’arrestations arbitraires. Amnesty International a exhorté à de nombreuses reprises le gouvernement nigérian à enquêter de manière indépendante sur les deux parties au conflit et leurs crimes de droit international présumés.

Le gouvernement nigérian doit aussi développer un plan pour assister les enfants nés à la suite de viols, afin de fournir des services et une protection adaptés à ces bébés et à leurs mères. Le Nigeria doit proposer des formations professionnelles et des programmes assurant des moyens de subsistance pour aider les femmes à réintégrer la société. Il doit veiller à ce que les victimes de violences sexuelles et liées au genre voient leurs droits sexuels et reproductifs respectés, et qu’elles puissent bénéficier de l’ensemble des services d’information et des soins en matière de santé sexuelle et reproductive, si cela est requis.