Égypte. Le jugement prononcé à l’encontre du président déchu relève de la parodie de justice

Photo : L’ex-président Mohamed Morsi comparaît devant le tribunal en février 2015. ©EPA

La condamnation de Mohamed Morsi à une peine de vingt ans d’emprisonnement mardi 21 avril est une parodie de justice et démontre, une nouvelle fois, que le système pénal égyptien semble incapable de mener des procès équitables pour les membres ou partisans du gouvernement de l’ex-président et des Frères musulmans, a déclaré Amnesty International.

L’organisation demande que Mohamed Morsi soit rejugé par un tribunal civil dans le cadre d’une procédure équitable qui respecte les normes internationales, ou qu’il soit libéré.

Ce jugement fait voler en éclats les dernières illusions quant à l’indépendance et l’impartialité de la justice égyptienne.

Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International

« L’équité du procès a été compromise dès le début par une multitude d’irrégularités dans la procédure judiciaire, et par le placement arbitraire de Mohamed Morsi en détention au secret. Sa condamnation doit être annulée et les autorités doivent ordonner la tenue d’un nouveau procès devant un tribunal civil, ou le libérer », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

Mohamed Morsi a été déclaré coupable d’« incitation à la violence » et d’avoir fait arrêter et torturer des manifestants de l’opposition à la suite d’affrontements entre partisans et opposants du président devant le palais présidentiel, au Caire, en décembre 2012.

L’ancien président égyptien et 14 autres personnes – dont beaucoup sont des membres ou des responsables des Frères musulmans, ou de l’émanation politique de cette confrérie : le Parti de la liberté et de la justice – faisaient l’objet de plusieurs chefs d’accusation. Ils étaient notamment accusés de « meurtre », d’« incitation au meurtre », de « violence », de « comportement violent », de « diffusion de rumeurs visant à entraver le travail des institutions judiciaires » et de « menaces proférées contre des civils ».

Mohamed Morsi doit également répondre d’autres chefs d’accusation dans le cadre de quatre autres procès.

Les irrégularités qui ont entaché la procédure ainsi que les éléments de preuve, que l’on peut qualifier de “peu convaincants” et qui ont été produits devant le tribunal avec une obligation de réserve à l’égard de la presse, décrédibilisent la décision du tribunal de condamner Mohamed Morsi.

Hassiba Hadj Sahraoui

Avant même sa comparution, les chances que Mohamed Morsi soit jugé de manière équitable étaient compromises. Après son éviction du pouvoir le 3 juillet 2013, M. Morsi ainsi que ses collaborateurs ont été détenus au secret par les forces de sécurité pendant des mois, dans des conditions s’apparentant à une disparition forcée. Pendant cette période, il a été interrogé par des magistrats du parquet sans qu’aucun de ses avocats ne soit présent, ce qui constitue une atteinte à ses droits de contester la légalité de sa détention et de bénéficier d’une défense adéquate garantis par la Constitution égyptienne et le droit international. Son équipe juridique n’a pu obtenir une copie du dossier de 7 000 pages le concernant qu’après avoir payé une somme conséquente et seulement quelques jours avant l’ouverture du procès, le 4 novembre 2013.

Amnesty International a également rassemblé des informations sur plusieurs irrégularités survenues pendant le procès lui-même.

Lors de la première audience, le 4 novembre 2013, les autorités ont empêché plusieurs des membres de l’équipe d’avocats auto désignée de Mohamed Morsi d’être présents. Le principal avocat de la défense n’a été autorisé à rencontrer son client qu’après le début du procès.

L’enquête menée par le ministère public sur les affrontements de décembre 2012 entre les partisans de Mohamed Morsi et ses opposants devant le palais présidentiel au Caire n’a pas non plus été indépendante ni impartiale. Le dossier du ministère public reposait entièrement sur les violences commises par ses partisans et occultait celles commises par ses opposants.

Les informations recueillies par Amnesty International sur ces violences montrent que les partisans des Frères musulmans ont bel et bien commis des atteintes aux droits humains, mais elles révèlent aussi que la majorité des personnes tuées lors de ces heurts étaient en fait des partisans de l’ancien président.

Pour en savoir plus, consultez le document suivant (en anglais uniquement) :Questions and Answers: Egypt: Trial of Mohamed Morsi