Burundi. Violente répression des droits humains à l’approche des élections

La police burundaise appréhende un manifestant à Musaga, en périphérie de Bujumbura, le 28 avril 2015, lors d’une manifestation organisée en réaction à l’annonce du président de briguer un troisième mandat. Au moins cinq personnes sont mortes depuis que des affrontements ont éclaté le 26 avril après que le parti au pouvoir (le CNDD-FDD), qui a été accusé d’intimider les opposants, a désigné M. Nkurunziza comme son candidat à l’élection présidentielle qui doit se tenir au Burundi le 26 juin 2015. Photo : SIMON MAINA/AFP/Getty Images

Le gouvernement burundais doit cesser de réprimer violemment les manifestations contre la décision du président Pierre Nkurunziza de se représenter lors des prochaines élections, sinon la situation risque de dégénérer au point de devenir incontrôlable, a déclaré Amnesty International mercredi 29 avril 2015.

« Il est scandaleux que des gens aient été tués pour avoir exprimé leur point de vue sur le processus électoral. C’est un dangereux précédent à l’heure où, à l’approche des élections, le gouvernement burundais devrait s’attacher en priorité à protéger les droits humains et la population », a déclaré Sarah Jackson, directrice adjointe du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et région des Grands Lacs d’Amnesty International.

Le fait que les autorités ne soient même pas capables de garantir les droits des citoyens à la vie et à la sécurité est un signe inquiétant qui fait craindre de graves violations des droits humains. La police et le gouvernement burundais doivent respecter leurs obligations relatives aux manifestations pacifiques.

Sarah Jackson, directrice adjointe du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et région des Grands Lacs d’Amnesty International

« Le fait que les autorités ne soient même pas capables de garantir les droits des citoyens à la vie et à la sécurité est un signe inquiétant qui fait craindre de graves violations des droits humains. La police et le gouvernement burundais doivent respecter leurs obligations relatives aux manifestations pacifiques.

Il est maintenant essentiel que tous les partis du Burundi se prononcent clairement contre les atteintes aux droits humains. »

Depuis le 26 avril, plusieurs manifestants ont été tués ou blessés à Bujumbura et la Maison de la Presse a été fermée, ainsi que des médias. Parallèlement, craignant une escalade des violences électorales, de nombreux habitants ont pris la fuite. On estime que quelque 20 000 réfugiés ont déjà franchi la seule frontière avec le Rwanda.

D’après des journalistes burundais et internationaux, ainsi que des témoins et des photos obtenues par Amnesty International, au moins deux personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées dans des affrontements entre la police et les manifestants.

Les policiers ont bloqué les routes d’accès à la ville de Bujumbura et ont dispersé les manifestants avec des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des tirs à balles réelles. Certains manifestants leur ont lancé des pierres et ont brûlé des pneus.

Complément d’information

Des manifestations ont éclaté dans plusieurs quartiers de Bujumbura dimanche 26 avril 2015 après l’annonce, la veille, que le parti politique au pouvoir – le Conseil national pour la défense de la démocratie au Burundi–Forces pour la défense de la démocratie au Burundi (CNDD-FDD) – avait choisi Pierre Nkurunziza comme candidat à la présidentielle, ce qui signifie que celui-ci briguerait un troisième mandat.

Beaucoup de Burundais ont perçu cette annonce comme une violation de l’Accord d’Arusha. Ils craignent aussi qu’elle n’ouvre la porte à d’autres modifications des dispositions relatives au partage du pouvoir contenues dans cet Accord.

Anticipant les réactions à la décision qui risquait d’être prise, le ministre de l’Intérieur avait déclaré le 24 avril une interdiction totale des manifestations. Auparavant, seules les manifestations organisées par le CNDD-FDD avaient pu se dérouler sans entraves.

La liberté d’expression a aussi été mise à mal quand la police a interdit illégalement aux radios privées indépendantes Radio Publique Africaine (RPA), Bonesha FM et Radio Isanganiro d’émettre en dehors de Bujumbura.

Lundi 27 avril 2015, à Bujumbura, les autorités ont aussi empêché une réunion de coordination des médias de se tenir à la Maison de la Presse, où la police a arrêté et incarcéré Pierre Claver Mbonimpa, président de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH). Cet homme n’a été relâché que le lendemain dans l’après-midi.

Amnesty International a déjà exprimé sa préoccupation face à la détérioration de la situation des droits humains au Burundi, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression, de réunion et d’association. Elle a prié instamment le gouvernement burundais de veiller à ce que les policiers et les autres responsables de l’application des lois respectent pleinement ces libertés, n’interviennent pas contre des réunions pacifiques et ne soumettent pas les manifestants à des arrestations, des placements en détention ou d’autres mauvais traitements.