Malaisie. Les nombreuses arrestations témoignent d’un durcissement de la répression

Les arrestations de nombreux manifestants et de deux avocats spécialisés dans la défense des droits humains interpellés dimanche 22 et lundi 23 mars en Malaisie sont des signes inquiétants du durcissement de la répression contre la liberté d’expression et de réunion, a déclaré Amnesty International lundi 23 mars 2015.

Ces interpellations qui s’inscrivent dans une série de récentes arrestations illustrent une tendance nette et inquiétante, et révèlent la sombre réalité de la position des autorités malaisiennes quant au respect des libertés fondamentales.

Hazel Galang-Folli, chercheuse d'Amnesty International sur la Malaisie

« L’espace pour la dissidence et le débat en Malaisie se rétrécit rapidement, sous prétexte de punir la “sédition” ou de maintenir l’ordre public », a déclaré Hazel Galang-Folli.

Détentions massives de manifestants

Lundi 23 mars, au moins 79 manifestants ont été arrêtés lors d’un sit-in devant le Département des douanes de la région de Petaling Jaya, dans la capitale malaisienne de Kuala Lumpur. Une quarantaine de policiers antiémeutes ont été mobilisés pour maintenir l’ordre lors de cette action publique, et une « bagarre » a été signalée. Parmi les personnes arrêtées, une centaine étaient venues protester contre une nouvelle taxe sur les biens et les services devant être appliquée dans les prochaines semaines.

Des charges de « sédition » datant de l’ère coloniale

La « répression contre la sédition » s’est poursuivie avec l’arrestation de deux avocats défenseurs des droits humains, qui travaillent pour l’organisation de défense des droits humains Lawyers for Liberty. Ils ont été interpellés au titre de la Loi relative à la sédition de 1948, loi draconienne qui remonte à l’époque coloniale.

Michelle Yesudas, coordinatrice juridique de l’ONG, a été arrêtée pour « sédition » le 23 mars, après avoir posté sur Twitter un tweet exprimant ses préoccupations quant à sa sécurité personnelle, parce qu’elle avait reçu des tweets de menaces.

Eric Paulsen, directeur exécutif de l’ONG, a été arrêté le 22 mars, pour un tweet faisant référence à la mise en œuvre du Syariah Criminal Code (II) (1993) 2015 Enactment, appelé localement le Hudud de l’État de Kelantan (la criminalisation de certains actes, selon les principes islamiques). Il avait déjà été arrêté en janvier 2015 et inculpé au titre de la Loi relative à la sédition le 5 février pour un autre tweet dans lequel il critiquait un département du gouvernement.

Tous deux ont été libérés sous caution.

 « Les autorités malaisiennes utilisent de plus en plus la Loi relative à la sédition, obsolète, comme un outil politique afin de museler leurs détracteurs. Au moins 23 personnes ont été arrêtées ou ont fait l’objet d’enquêtes pour sédition au cours du premier trimestre 2015 – une nette hausse par rapport à 2014, année pour laquelle le total s’élevait à 29. Les autorités empruntent une pente dangereusement glissante vers la répression contre toute dissidence. Elles  doivent cesser de procéder à des arrestations, particulièrement de journalistes et de défenseurs des droits humains, au titre de cette loi », a déclaré Hazel Galang-Folli.

Complément d’information

Au cours de l’année 2014, les autorités malaisiennes ont fait amplement usage de la Loi relative à la sédition de 1948, un texte draconien datant de l’époque coloniale qui visait à l’origine les personnes revendiquant l’indépendance de la Malaisie et qui confère au gouvernement des pouvoirs très étendus lui permettant d’arrêter et d’enfermer ses détracteurs.

Amnesty International exprime depuis longtemps ses préoccupations au sujet de cette loi, qui érige en infraction toute une série d’actes, notamment ceux « tendant à inciter au mécontentement envers les personnes qui exercent le pouvoir ou envers le gouvernement » ou le fait de « remettre en cause un sujet » protégé par la Constitution malaisienne.

Les personnes reconnues coupables de tels faits sont passibles de trois ans de prison et d’une amende de 5 000 Ringgits (1 240 euros). Cette loi n’est pas conforme au droit international relatif aux droits humains et bafoue le droit à la liberté d’expression, proclamé par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et garanti par l’article 10 de la Constitution malaisienne.