Azerbaïdjan. La libération de prisonniers est positive mais reste purement symbolique à l’approche des Jeux européens

La libération de deux prisonniers d’opinion jeudi 19 mars est une avancée encourageante, mais étant donné que 20 autres se trouvent toujours derrière les barreaux, elle semble n’être guère plus qu’un geste symbolique visant à faire taire les critiques en prévision des Jeux européens, a déclaré Amnesty International.

Bashir Suleymanli et Orkhan Eyyubzade, deux opposants déclarés au président Ilham Aliyev et au régime politique azerbaïdjanais, ont été remis en liberté jeudi 19 mars à la faveur de la grâce présidentielle annoncée la veille.

Cela est positif, mais que fait-on des autres personnes maintenues en détention en Azerbaïdjan et dont le seul crime est d’avoir critiqué le régime ? Les autorités donnent d’une main et reprennent de l’autre. Il y a à peine quelques jours, la justice azerbaïdjanaise a condamné le frère d’un opposant politique déclaré à six ans de prison sur la base de charges forgées de toutes pièces.

Denis Krivosheev, directeur adjoint de l’équipe Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Si le régime azerbaïdjanais est vraiment sérieux au sujet des droits humains, il doit libérer tous les prisonniers d’opinion immédiatement et sans condition. Les arrestations de détracteurs du gouvernement pour des motifs politiques doivent cesser. »

Amnesty International s’est mobilisée en faveur de la libération de Bashir Suleymanli, d’Orkhan Eyyubzade et de 20 autres prisonniers d’opinion. Ce qui leur est arrivé est décrit dans le dernier rapport en date de l’organisation, intitulé Guilty of Defending Rights: Azerbaijan’s human rights defenders and activists behind bars .

Les autorités azerbaïdjanaises ont annoncé cette libération dans le cadre d’une grâce annuelle accordée par le président Ilham Aliyev, qui concerne 101 personnes cette année.

Bashir Suleymanli, qui dirigeait le Centre d’études pour le suivi électoral et la démocratie, une organisation surveillant le respect des normes durant les élections, a été arrêté le 17 décembre 2013, peu après que le Centre eut publié des rapports faisant état de violations électorales généralisées constatées lors de l’élection présidentielle de 2013.

Bashir Suleymanli a été accusé d’« entreprise illégale », de fraude fiscale et d’« abus d’autorité ayant de graves conséquences ou l’objectif d’influer sur le cours des élections ». Il a été déclaré coupable et condamné à trois ans et six mois de prison.  

Orkhan Eyyubzade, 19 ans, est un membre du parti d’opposition Musavat (Égalité) et du mouvement de jeunesse NIDA, qui est pro-démocratie. Il a été appréhendé le 6 mai 2014 pour avoir pris part à une manifestation pacifique contre la déclaration de culpabilité de huit militants de NIDA, puis a été condamné à 20 jours de détention administrative. Le 27 mai, jour prévu pour sa libération, les autorités azerbaïdjanaises ont retenu de nouvelles charges forgées de toutes pièces contre lui.

Le 15 octobre 2014, le tribunal du district de Binagadi, à Bakou, a déclaré Orkhan Eyyubzade coupable d’avoir agressé et injurié un policier, et l’a condamné à deux ans de prison. Le jeune homme a dit avoir été frappé et soumis à d’autres formes de mauvais traitements en détention, mais ces allégations n’ont donné lieu à aucune enquête digne de ce nom.

« La libération de Bashir Suleymanli et Orkan Eyyubzade ne suffit pas. Ils ont été emprisonnés pour des motifs purement politiques, et leur déclaration de culpabilité doit être immédiatement annulée », a déclaré Denis Krivosheev. « Ils n’ont commis aucun crime et ne devraient pas être encombrés d’un casier judiciaire. »

Amnesty International demande par ailleurs une enquête digne de ce nom sur les allégations d’Orkhan Eyyubzade selon lesquelles il a été passé à tabac, ainsi que sur tous les autres signalements de mauvais traitements et de torture.