Ukraine. Alors que l’étau des groupes armés se resserre sur Debaltseve, on redoute que des prisonniers soient soumis à des mauvais traitements

Il ne faut pas que la capture de Debaltseve par les séparatistes pro-russes, si elle a lieu, soit suivie de violences généralisées sur les prisonniers, a déclaré Amnesty International alors qu’un certain nombre d’informations indiquent que l’armée ukrainienne a perdu une partie du contrôle de la ville, nœud ferroviaire stratégique de l’est du pays.

Des images vidéo diffusées ce 17 février montrent semble-t-il des dizaines de soldats ukrainiens se rendant aux groupes armés en marche vers Debaltseve. Entre 4 000 et 8 000 soldats ukrainiens pourraient se trouver encerclés dans la ville, selon la presse.

Les groupes armés séparatistes se sont déjà rendus coupables de tortures et d'autres mauvais traitements sur des membres des forces favorables à Kiev.

Denis Krivosheev, directeur-adjoint du programme Europe et Asie centrale d'Amnesty International.

Des faits ont y compris été signalés très récemment – le 9 février – près de Debaltseve. De tels actes seraient des crimes de guerre.

« Nous demandons instamment à toutes les parties au conflit de traiter les prisonniers de manière humaine, conformément aux Conventions de Genève. »

Amnesty International a examiné des images vidéo prises récemment et montrant des combattants séparatistes se livrer à des cruautés sur des soldats ukrainiens faits prisonniers. On y voit notamment des combattants pro-russes rouer de coups de pied des soldats blessés dans le village de Lohvynove, à la périphérie de Debaltseve. Sur des vidéos plus anciennes tournées à Donetsk et ailleurs, on voit des membres des forces pro-Kiev subir des passages à tabac et d’autres violences, être exhibés à la population lors de défilés humiliants et être livrés à la vindicte de la foule.

Amnesty International a également recueilli des informations indiquant que des membres des forces contrôlées par Kiev se sont livrés à des mauvais traitements sur des personnes détenues dans le cadre du conflit armé. En août dernier, par exemple, des soldats ukrainiens ont arrêté deux journalistes, un homme et une femme, dans un village de la région de Donetsk. L’homme a été frappé par plusieurs militaires et la femme a été menacée de viol. Tous deux ont finalement été remis aux services de sécurités ukrainiens (SBU).

Des images vidéo ont circulé également sur lesquelles on pouvait voir des soldats séparatistes tout juste remis en liberté par l’armée ukrainienne qui affirmaient avoir été torturés et montraient des marques en ce sens.

Les combats pour le contrôle de la poche de Debaltseve sont particulièrement intenses depuis quelques semaines et se poursuivent en dépit de l’entrée en vigueur, le 15 février, de l’accord de cessez-le-feu. La ville est un nœud ferroviaire important reliant les deux grandes villes du Donbass, Donetsk et Louhansk, désormais aux mains des groupes armés séparatistes pro-russes.

Une mission de recherche d’Amnesty International s’est rendue dans la région au début du mois de février et a constaté que les civils assiégés à Debaltseve, soumise à des bombardements aveugles, se trouvaient dans des conditions de plus en plus dramatiques. Un certain nombre de personnes âgées, d’enfants et de personnes handicapées sont encore dans la ville.

« Il faut laisser des enquêteurs indépendants aller sur place et évaluer la situation humanitaire des civils encore présents à Debaltseve après ces lourds affrontements, a déclaré Joanne Mariner, conseillère principale sur les situations de crise à Amnesty International, qui s’est rendue dans la ville récemment.

« L’adhésion au Statut de Rome de la Cour pénale internationale est une mesure fondamentale pour permettre que les responsables de crimes de guerre et autres crimes de droit international des deux camps soient amenés à rendre compte de leurs actes. »

Selon un rapport des Nations unies publié la semaine dernière, le conflit dans l’est de l’Ukraine a fait jusqu’à présent plus de 5 500 morts et près de 10 000 blessés.