Émirats arabes unis. Condamnés il y a un an pour avoir critiqué le gouvernement, ils sont toujours en prison

Neuf hommes qui avaient formulé pacifiquement des opinions critiques à l’égard du gouvernement seraient soumis à des mauvais traitements dans une prison d’Abou Dhabi, a déclaré Amnesty International en réclamant leur libération immédiate et sans condition un an après le procès d’une iniquité flagrante qui les a conduits en prison. « La seule raison pour laquelle ces neuf hommes se trouvent derrière les barreaux est qu’ils ont osé appeler à une réforme démocratique pacifique, ce qui serait interdit dans les Émirats arabes unis. Ce sont des prisonniers d’opinion, et ils doivent être libérés immédiatement et sans condition », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Les dirigeants du monde ne doivent pas faire passer les affaires devant les droits humains en feignant de ne pas voir les graves atteintes à ces droits qui sont commises dans les Émirats arabes unis. Ils doivent utiliser leur influence auprès des autorités des Émirats pour que tous les prisonniers d’opinion soient libérés et leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion respectés. » Parmi ces neuf hommes figurent des avocats défenseurs des droits humains, des enseignants, des étudiants, un juge et d’autres personnalités des Émirats. Le 2 juillet 2013, au cours de l’un des procès collectifs organisés à Abou Dhabi pour juger des personnes critiques à l’égard du gouvernement, ils ont été déclarés coupables d’avoir « fondé une organisation dans le but de renverser le gouvernement ». La Cour suprême fédérale a jugé en tout 94 personnes lors d’une série sans précédent de procès manifestement iniques. Sur les 94 personnes jugées, 69 ont été condamnées à des peines allant de sept et 15 ans d’emprisonnement. Huit d’entre elles étaient absentes au procès. Quelques mois plus tard, 10 Émiriens déjà déclarés coupables à l’issue du premier procès ont été condamnés une nouvelle fois lors d’un deuxième procès collectif. Ces procès étaient manifestement inéquitables : les juges ont accepté comme preuves des aveux extorqués, semble-t-il, sous la torture ; des défendeurs se sont vu refuser le droit de contacter des avocats ; et les signatures de certains d’entre eux, apposées sur les déclarations d’« aveu », étaient fausses. Au cours des audiences, des prévenus ont déclaré qu’ils avaient fait l’objet de violents tabassages, qu’on les avait suspendus la tête en bas, menacés de décharges électriques, de viol et de mort et exposés à une lumière forte en permanence, jour et nuit ; qu’on leur avait arraché la barbe, des poils de poitrine et des ongles ; et qu’ils avaient été soumis à de longues périodes de détention à l’isolement ou de privation de sommeil. Les tribunaux n’ont pas pris en compte leurs allégations de mauvais traitements et de torture et n’ont mené aucune enquête. Les procès ayant été menés par la Cour suprême fédérale, aucun des prévenus n’a eu le droit d’interjeter appel, une violation flagrante des obligations des Émirats arabes unis en vertu du droit international relatif aux droits humains. Le 23 juin 2014, neuf étrangers ont été condamnés au cours d’un troisième procès collectif pour des infractions liées au terrorisme et à la cyber-criminalité. Comme pour les autres procès, les défendeurs se sont plaints d’avoir été maltraités durant leur détention préventive à l’isolement. Un quatrième procès collectif a débuté le lendemain, le 24 juin, auquel comparaissaient 17 personnes. Très peu d’informations existent à ce stade sur ce procès, mais compte tenu du bilan des Émirats arabes unis, Amnesty International craint que ce dernier procès en date ne se caractérise par des violations des droits humains semblables à celles qui ont entaché les procès collectifs précédents. « Il est temps pour les Émirats arabes unis de rapprocher leur enthousiasme pour le développement économique avec des avancées sur le plan des droits humains. En remettant en liberté les détracteurs du gouvernement faisant partie des 94 personnes qui ont comparu à ce procès collectif, et en ouvrant des enquêtes sur toutes les allégations de torture et autres mauvais traitements, les Émirats arabes unis franchiraient déjà un premier pas », a déclaré Said Boumedouha. Complément d’information Les neuf prisonniers d’opinion sont : le professeur de droit constitutionnel et avocat défenseur des droits humains Mohammed al Roken ; l’avocat défenseur des droits humains également bien connu Mohammed al Mansoori ; l’ex-enseignant Saleh Mohammed al Dhufairi ; l’enseignant Hussain Ali al Najjar al Hammadi ; le professeur d’université et ancien juge Ahmed al Zaabi ; le fondateur de l’université d’Ittihad Sultan Kayed Mohammed Al Qassimi ; les étudiants Khalifa al Nuaimi et Abdulla al Hajri ; et Ali Hussain al Hammadi. En novembre 2013, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a fait part de son avis, à savoir que l’arrestation et la détention des 61 personnes emprisonnées résultaient du fait qu’elles avaient exercé leur droit à la liberté d’opinion et d’expression et à la liberté de réunion et d’association pacifiques. Le Groupe de travail a déclaré que les tribunaux des Émirats arabes unis n’étaient pas indépendants du pouvoir exécutif et que les défendeurs s’étaient vu refuser leur droit à un procès équitable. Il a confirmé le caractère arbitraire de l’arrestation et du placement en détention des 61 personnes et a invité le gouvernement émirien à les remettre en liberté et à leur fournir réparation. Le 5 février 2014, à l’issue d’une visite aux Émirats arabes unis, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, s’est dite préoccupée par le fait que l’appareil judiciaire des Émirats soit toujours contrôlé de facto par l’exécutif. Elle a adressé plusieurs recommandations au gouvernement émirien, lui conseillant notamment de réviser sa législation pour garantir le droit d’appel dans des affaires actuellement en instance devant la Chambre de la sûreté d’État de la Cour suprême fédérale ; d’instaurer une commission indépendante chargée d’enquêter sur les allégations de torture et d’autres mauvais traitements en détention ; et de ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses Protocoles facultatifs, ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.