Les réformes envisagées sur le travail des migrants au Qatar constituent une « occasion manquée »

Les projets de réforme annoncés par le gouvernement du Qatar sont loin de représenter le changement fondamental requis pour remédier aux abus systémiques dont sont victimes les migrants travaillant comme ouvriers du bâtiment, employés de maison ou dans d’autres secteurs, a déclaré Amnesty International mercredi 14 mai.

Les mesures proposées tranchent nettement avec les conclusions du cabinet international d’avocats DLA Piper, dont le rapport, commandé par le gouvernement, confirme un grand nombre des constats faits par Amnesty International sur la nature systémique des atteintes aux droits des travailleurs migrants au Qatar.

« Au vu de l’annonce qui vient d’être faite, les propositions semblent constituer une occasion manquée. Le gouvernement affirme qu’il compte abolir le système de parrainage, mais cela ressemble plus à un changement de nom qu’à une réforme substantielle », a déclaré James Lynch, spécialiste à Amnesty International des droits des migrants dans le Golfe.

« En particulier, on ne sait toujours pas vraiment comment la réforme du permis de sortie qui est proposée fonctionnera en pratique, ni si les employeurs pourront toujours en vertu de cette nouvelle proposition s’opposer à ce que leur employé quitte le pays. »

Un système qui accorde aux employeurs le droit de s’opposer à ce que quelqu’un parte du Qatar se prête aux abus. Les restrictions générales à la possibilité pour les migrants de quitter le pays constituent une atteinte au droit de circuler librement.

Le gouvernement a par ailleurs annoncé de nouvelles mesures, notamment des sanctions supplémentaires pour les violations du droit du travail et la confiscation de passeports, et le recrutement d’un plus grand nombre d’inspecteurs du travail.

« Certaines des mesures annoncées mercredi 14 mai sont positives et amélioreraient les conditions de travail des migrants si elles étaient mises en œuvre, mais elles ne vont pas assez loin », a déclaré James Lynch.

« Au lieu de réaménager et renommer le système de parrainage, le gouvernement doit s’engager sans délai à mener une véritable réforme en profondeur. Par ailleurs, des mesures concrètes sur l’accès à la justice, la santé et l’obligation pour le secteur privé de rendre des comptes pour les abus perpétrés contre des travailleurs migrants doivent être adoptées. »

La déclaration du gouvernement ne fait mention à aucun moment d’un calendrier de mise en œuvre pour la plupart des réformes.

Le rapport de DLA Piper – également rendu public mercredi 14 mai – se montre très critique sur plusieurs aspects du droit et des politiques qatariens, en particulier le système de parrainage ou kafala, qui selon lui « n’est plus un outil adapté au contrôle des flux migratoires au Qatar ». Cependant, si ce rapport signale par ailleurs que le gouvernement doit « revoir et reconsidérer la nécessité d’un visa de sortie », il ne précise pas de date pour l’abolition du permis de sortie.

« Nous nous félicitons qu’un rapport commandé par le gouvernement soit aussi catégorique sur les failles du système de parrainage. Un grand nombre des conclusions qui y sont présentées correspondent à ce qu’Amnesty International a constaté lors de ses recherches. Si ce rapport contient par ailleurs de bonnes recommandations, il ne condamne pas assez fermement le permis de sortie et le système de parrainage », a déclaré James Lynch.

« Les recommandations émises par DLA Piper ne reflètent pas toujours l’analyse du problème faite par les auteurs du rapport. Le système de parrainage n’est pas adapté, et le permis de sortie n’a aucune justification. »