États-Unis/Royaume-Uni. Snowden affirme que des services du renseignement ont pris pour cible des défenseurs des droits humains

Les dernières révélations d’Edward Snowden donnent à penser que des défenseurs des droits humains, y compris des salariés d’Amnesty International, ont très probablement été la cible d’une surveillance de la part des services d’espionnage américains et britanniques. L’ancien consultant des services du renseignement américains et lanceur d’alerte, qui vit en exil à Moscou, a tenu ces propos lors d’une vidéoconférence avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), organisée mardi 8 avril, dans l’après-midi, à Strasbourg. Lorsqu’on lui a demandé si l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) ou son équivalent britannique, le Quartier général des communications du gouvernement (GCHQ), espionnaient activement les organisations de défense des droits humains telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch, il a répondu : « Absolument, cela ne fait aucun doute […]. La NSA a en fait visé spécifiquement les communications de dirigeants ou de membres du personnel de certaines organisations de défense des droits humains ou de la société civile. » « Ces allégations, si elles sont fondées, confirmeraient nos craintes. Nous pensons depuis longtemps que des services du renseignement comme la NSA ou le GCHQ mènent des opérations de surveillance de masse contre les organisations de défense des droits humains, a déclaré Michael Bochenek, directeur général du programme Droit international et stratégie politique d’Amnesty International. « Il est par conséquent fort possible que nos communications avec des sources confidentielles aient été interceptées. Le partage de ces informations avec d’autres États risque de mettre en danger des militants des droits humains dans le monde entier à très court terme. Ces préoccupations avaient été soulevées devant la Cour suprême des États-Unis, qui avait déclaré qu’elles n’étaient que “présumées”. Les dernières révélations de Snowden montrent qu’elles sont loin d’être hypothétiques et pourraient bien être une réalité. « Il faut maintenant que soit pleinement divulguée, en toute transparence, l’ampleur de ces programmes de surveillance et que soient présentées les garanties juridiques solides mises en place pour empêcher que de telles opérations non ciblées n’aient de nouveau lieu. » Notes aux rédacteurs La collecte généralisée de « métadonnées téléphoniques » par la NSA a été rendue possible par des modifications apportées en 2008 à la Loi relative à la collecte de renseignements sur des puissances ou ressortissants étrangers (Foreign Intelligence Surveillance Act – FISA), qui exemptaient une telle surveillance de tout contrôle significatif. En vertu de ces modifications, le gouvernement des États-Unis n’a pas l’obligation de révéler les communications qu’il envisage de surveiller, et le tribunal de la FISA, qui s’entoure du plus grand secret, n’a aucun droit de regard sur la manière dont le gouvernement utilise les informations recueillies. Autre élément révélateur : même si ce tribunal constate une irrégularité dans les procédures de surveillance, le gouvernement peut ignorer ses observations et poursuivre la surveillance pendant qu’il fait appel de la décision du tribunal. L’Union américaine pour les libertés publiques (ACLU) avait contesté la constitutionnalité de cette loi au nom d’Amnesty International, d’avocats spécialisés dans les droits humains et d’autres organisations. En 2012, la Cour suprême américaine a classé sans suites cette affaire, car les groupes présumés visés n’avaient pas pu démontrer qu’ils faisaient probablement l’objet d’une surveillance, surveillance impossible à démontrer dans les faits étant donné la nature très secrète de ce type d’opérations et du tribunal de la FISA les autorisant. D’autres programmes de surveillance américains visant, semble-t-il, à extraire le contenu des communications Internet et des appels téléphoniques sont autorisés par des directives présidentielles. Une partie des communications interceptées sont régulièrement partagées avec d’autres services du renseignement, y compris le GCHQ. En décembre 2013, Amnesty International a porté plainte contre le gouvernement du Royaume-Uni, accusant les services du renseignement britanniques d’avoir accédé illégalement aux communications de l’organisation. La plainte a été déposée auprès de l’Investigatory Powers Tribunal (IPT), le tribunal chargé de juger les abus de pouvoirs en matière d’enquête, au motif que les activités menées par les autorités britanniques enfreignaient l’article 8 (droit à la vie privée) et l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Loi de 1998 relative aux droits humains. L’IPT est chargé d’examiner les plaintes relatives aux activités des services du renseignement du Royaume-Uni. Amnesty International s’est dite préoccupée par le caractère extrêmement secret de ce tribunal ; il établit ses propres procédures et ses activités sont souvent menées à huis clos.