L’UE et les dirigeants africains ne doivent pas manquer à leurs obligations envers la population de la République centrafricaine

Le déploiement par l’Union européenne (UE) de 1000 soldats doit marquer le début d’une nouvelle réponse de la communauté internationale à la violence et au nettoyage ethnique en République centrafricaine (RCA), a déclaré Amnesty International alors que s’ouvre mercredi 2 avril à Bruxelles un sommet UE-Afrique crucial. Depuis maintenant des mois, le nettoyage ethnique dont font l’objet les musulmans ainsi que les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés en République centrafricaine demandent une réaction prompte et ferme. On s’attend à ce que l’opération militaire Eufor-RCA de l’UE se déploie rapidement. Il s’agit d’une « mission de transition » visant à soutenir les 8 000 soldats dépêchés par l’Union africaine et la France dans le pays jusqu’à ce qu’une véritable force de maintien de la paix des Nations unies puisse être déployée plus tard dans l’année. « La République centrafricaine est en proie à une crise humanitaire et des droits humains aux proportions historiques. En n’intervenant pas de manière plus ferme et plus rapide, la communauté internationale a fait preuve d’une indifférence cruelle à l’égard des civils du pays, assiégés, les abandonnant alors qu’ils avaient besoin d’aide », a déclaré Christian Mukosa, spécialiste de la République centrafricaine à Amnesty International. «Le déploiement complet de l’Eufor-RCA sera essentiel pour jeter les bases de la future mission de maintien de la paix des Nations unies ; nous espérons que le retard enregistré dans le déploiement des soldats de l’Union européenne ne mettra pas en péril les initiatives de la communauté internationale pour protéger les civils dans toute la République centrafricaine. » « L’Union africaine doit aussi apporter un soutien financier, logistique et politique suffisant à ses troupes en République centrafricaine, et veiller à ce que la protection des droits humains soit au cœur de la mission. » Le secrétaire général des Nations unies a proposé le déploiement dans le pays d’une force de maintien de la paix de 12 000 hommes, mais cela ne sera pas possible avant septembre 2014. Pour parer au plus pressé, l’UE avait promis le 10 février 2014 le déploiement rapide d’un millier de soldats européens de l’EUFOR, ainsi que le transfert d’équipements et de fournitures militaires en République centrafricaine afin d’assister les forces internationales déjà sur place. Près de deux mois plus tard, la force de l’UE est toujours en phase de formation. Pendant ce temps, les 8 000 soldats de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) et soldats français se trouvant déjà sur place éprouvent des difficultés à protéger les civils efficacement, en particulier les musulmans, qui fuient le pays massivement car ils craignent pour leur vie. À la fin mars, les soldats de la paix de la MISCA ont eux-mêmes été plusieurs fois visés par les milices anti-balaka qu’ils ne sont pas parvenus à désarmer, ce qui est le signe d’une nouvelle détérioration grave de la sécurité dans le pays. Amnesty International demande à l’Union africaine d’ouvrir une enquête sur toutes les allégations selon lesquelles des soldats de la MISCA auraient été impliqués dans des violations des droits humains. Au cours de la semaine du 24 mars, Catherine Ashton, haute représentante de l’UE aux Affaires étrangères et à la Politique de sécurité, a une nouvelle fois affirmé la « volonté de l’UE de participer […] aux efforts […] pour rétablir la stabilité et la sécurité à Bangui et dans l’ensemble de la République centrafricaine. » « L’UE doit agir de toute urgence afin de stabiliser la situation en République centrafricaine. Maintenant que la mission Eufor-RCA a été lancée, il faut faire en sorte qu’elle soit robuste et bénéficie de ressources suffisantes pour être immédiatement en mesure d’aider les soldats de maintien de la paix déjà sur place », a déclaré Christian Mukosa. « Parallèlement, l’UA et l’UE doivent redoubler d’efforts pour faire en sorte que la MISCA bénéficie du soutien financier et logistique dont elle a besoin pour mener à bien sa mission de protection des civils partout dans le pays, en attendant le déploiement de la force de maintien de la paix de l’ONU. » Complément d’information Depuis l’escalade de la violence en décembre 2013, des spécialistes d’Amnesty International se sont rendus à trois reprises dans le pays et dans des camps de réfugiés au Tchad. L’organisation continue de surveiller la situation dans le pays au jour le jour. Des homicides extrajudiciaires, des actes de torture, des pillages et d’autres atrocités sont perpétrés chaque jour contre des civils. Le nettoyage ethnique qui vise la population musulmane du pays a contraint des centaines de milliers de personnes à fuir dans les pays voisins, où elles sont maintenant confrontées à une catastrophe humanitaire en raison des conditions de vie dans les camps. Créée en février 2014 par le Conseil européen et autorisée par la résolution 2134 (2014) du Conseil de sécurité des Nations unies, l’Eufor-RCA est une opération militaire de l’Union européenne dont l’objectif est de contribuer à instaurer des conditions de sécurité dans la capitale centrafricaine, Bangui. Il s’agit d’une « mission de transition » limitée à six mois qui passera le relais aux forces africaines et à la mission de maintien de la paix de l’ONU, qui doit être déployée ultérieurement. Elle est explicitement destinée à contribuer aux efforts internationaux de protection des populations les plus en danger et à créer les conditions rendant possible l’aide humanitaire. Dans une déclaration datée du 1er avril 2014, le Conseil de l’Union européenne a annoncé que la mission Eufor-RCA, qui pourrait compter jusqu’à 1 000 soldats et était dotée d’un budget de 25,9 millions d’euros pour la phase préparatoire, avait été lancée et allait se déployer rapidement. Le sommet UE-Afrique qui se tient à Bruxelles les 2et 3 avril inclut un mini sommet distinct sur la crise en République centrafricaine qui a lieu en début de journée le 2 avril. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon doit y prend part avec des dirigeants de pays européens et africains.