Face à la menace d’un cyclone, le Myanmar doit prévenir toute nouvelle catastrophe humanitaire

De fortes pluies de mousson et un cyclone tropical pourraient faire des dizaines de milliers de morts parmi les populations déplacées dans l’ouest du Myanmar, à moins que les autorités n’intensifient immédiatement les efforts de protection, a déclaré Amnesty International. Plus de 140 000 personnes, pour la plupart issues de la minorité musulmane rohingya, sont actuellement déplacées à l’intérieur de l’État d’Arakan et vivent dans des camps provisoires depuis que des violences ont éclaté entre les communautés bouddhiste et musulmane dans cet État en juin 2012. Près de la moitié de ces camps sont situés à basse altitude, dans des zones inondables. D’après des informations rendues publiques par l’armée américaine, le cyclone Mahasen devrait atteindre la zone en question mercredi 15 mai en fin de journée ou le lendemain, tôt le matin. « Le gouvernement s’est vu demander à de nombreuses reprises de faire nécessaire pour mettre les personnes déplacées de l’État d’Arakan à l’abri. Des milliers de personnes pourraient périr à moins qu’une action ciblée ne soit immédiatement mise en place afin d’assister les plus vulnérables », a expliqué Isabelle Arradon, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Les autorités du Myanmar auraient pris quelques mesures, notamment en sélectionnant des sites pour l’accueil des évacués et en diffusant des mises en garde dans la ville côtière de Sittwe et aux alentours afin d’avertir les résidents de la tempête qui s’annonce. Cependant, plusieurs des sites désignés pour les évacuations se trouvent dans des camps pour personnes déplacées déjà établis ou sont dépourvus de structures permettant de faire face à de fortes intempéries. Par ailleurs, toutes les personnes concernées se trouvant à l’extérieur de Sittwe, la capitale de l’État d’Arakan, n’ont pas été informées du risque de tempête. Les autorités continuent en outre à limiter la liberté de mouvement des Rohingyas de l’État d’Arakan, notamment ceux à qui il est interdit de quitter des camps mal équipés. « Le gouvernement doit apporter son aide sans exercer de discriminations, et notamment lever toute restriction à la liberté de mouvement et faire en sorte que les organisations humanitaires puissent se rendre auprès de toutes les personnes ayant besoin d’assistance. Il est fort possible que permettre aux Rohingyas de se mettre à l’abri sur les hauteurs soit leur seule chance d’éviter les inondations que de fortes pluies pourraient entraîner », a poursuivi Isabelle Arradon. Les Rohingyas sont victimes de discriminations depuis des décennies au Myanmar. Ils ne sont pas reconnus comme un groupe ethnique officiel et continuent à être empêchés d’exercer les droits à la citoyenneté au même titre que les autres habitants du Myanmar. Pour cette minorité, les droits d’étudier, de travailler, de voyager, de se marier, de pratiquer sa religion, et de bénéficier des services de santé sont restreints à divers degrés. Depuis les violences de juin dernier, les communautés bouddhiste et musulmane vivent dans une large mesure séparées l’une de l’autre, et les tensions restent vives. « Compte tenu des tensions qui persistent entre les bouddhistes et les musulmans en Arakan, les autorités doivent se préparer à la possibilité de nouvelles violences lors des évacuations ou à la suite d’une éventuelle tempête. Il sera crucial, afin de prévenir de futurs abus, de lutter contre les discriminations que subissent les Rohingyas et de prendre de toute urgence des mesures en faveur de l’établissement des responsabilités pour les violences de l’an dernier », a ajouté Isabelle Arradon. Les forces de sécurité de l’État se sont rendues coupables de violations des droits humains lors des violences de l’an dernier dans l’État d’Arakan, et n’ont pas protégé la population des agressions, notamment les Rohingyas.