Le déni de la crise des droits humains et les promesses vides de sens du gouvernement sri-lankais sont pointés du doigt à l’ONU

La communauté internationale ne doit plus accepter les promesses du Sri Lanka en matière de droits humains, a déclaré Amnesty International, alors qu’il ressort de l’Examen périodique universel (EPU), le 1er novembre, que les autorités de Colombo continuent de nier la crise des droits humains qui sévit dans le pays et qu’elles doivent mener des investigations indépendantes sur les crimes commis pendant la guerre et les nouvelles violations des droits humains présumées. Dans le cadre de l’EPU, l’ONU examine la situation des droits humains de chaque État membre tous les quatre ans et demi. Le Sri Lanka doit encore donner suite à d’importants engagements souscrits lors de son 1er EPU en 2008. Le pays était alors ravagé par un conflit armé opposant le gouvernement aux Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE). « Le Sri Lanka fait des promesses dans le vide en matière de respect des droits humains depuis des décennies. Plusieurs pays l’ont mis en lumière durant l’EPU en interrogeant l’absence de progrès du Sri Lanka s’agissant de mettre un terme aux atteintes aux droits humains, a indiqué Yolanda Foster, spécialiste du Sri Lanka à Amnesty International. « Trois ans après la fin de la guerre civile, le gouvernement continue de museler la dissidence à coups de menaces et de harcèlement, tout en s’abstenant d’agir en vue de juguler les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires. » Les défenseurs des droits humains ont parlé à Amnesty International d’un climat de peur installé au Sri Lanka et de l’inaction de l’État pour les protéger contre les menaces qui pèsent sur eux. Au lendemain de l’adoption d’une résolution du Conseil des droits de l’homme en mars 2012, qui appelait le Sri Lanka à remédier aux violations du droit international commises durant la guerre civile, les représentants du gouvernement et les médias officiels s’en étaient pris violemment aux militants des droits fondamentaux. Le ministre des Relations publiques les avaient alors qualifiés de « traîtres » et les avaient menacés de violences physiques, ce qui avait amené l’ONU à condamner ces déclarations et à demander l’ouverture d’une enquête. La répression de la dissidence s’est étendue aux avocats et aux magistrats qui dénoncent les abus du pouvoir. Le 7 octobre, Manjula Tilakaratne, juge de la haute cour, a été agressé et blessé par des assaillants armés ; il s’était plaint de tentatives visant à s’ingérer dans l’indépendance de la justice, préoccupation que certains États ont relayée lors de l’EPU. Les autorités continuent d’arrêter des suspects et de les placer en détention pendant de longues périodes sans inculpation ni jugement, au titre de la Loi relative à la prévention du terrorisme (PTA), et ce malgré les promesses faites lors du 1er EPU d’aligner cette loi et d’autres sur le droit international relatif aux droits humains. Aucun amendement n’a encore été adopté, et le Sri Lanka a souligné lors de l’EPU sa volonté de maintenir cette loi. Pendant ce temps, des centaines de personnes soupçonnées d’entretenir des liens avec les Tigres tamouls sont prises dans la toile de la détention administrative. « Quatre ans après le premier examen de l’ONU consacré à la situation des droits humains au Sri Lanka, on ne peut que constater l’absence d’amélioration sur l’ensemble des engagements auxquels le gouvernement avait souscrits en vue de mettre fin aux détentions arbitraires », a déclaré Yolanda Foster. Plusieurs États ont fait pression sur le Sri Lanka au sujet de l’usage persistant de la torture et des mauvais traitements, lors même que le gouvernement avait promis d’y remédier lors du précédent EPU. Des informations faisant état d’actes de torture en détention, entraînant parfois la mort, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires continuent de parvenir à Amnesty International. Le 26 juillet, le Sri Lanka a rendu public un Plan national d’action, afin de montrer à la communauté internationale qu’il œuvre à trouver des solutions aux problèmes relatifs aux droits humains pointés par le Conseil des droits de l’homme dans sa résolution adoptée en mars. Cependant, ce plan est loin d’être exhaustif, notamment sur les questions touchant à la mort de civils, aux détentions arbitraires et aux disparitions forcées. Lorsque des investigations sont envisagées, la responsabilité en est confiée à l’armée et à la police, lors même que ces institutions sont impliquées dans ces graves atteintes aux droits humains. Le Sri Lanka est marqué par une culture de l’impunité, le gouvernement s’étant abstenu d’enquêter, d’engager des poursuites et de sanctionner la plupart des auteurs de violations. Deux exemples flagrants de graves atteintes aux droits humains qui n’ont donné lieu à aucune poursuite concernent l’exécution extrajudiciaire présumée de cinq étudiants par la Force d’intervention spéciale du Sri Lanka en janvier 2012, et l’homicide de 17 employés d’Action Contre la Faim (ACF) en 2006, dans l’Est du pays, l’un des plus grands massacres d’employés d’organisations humanitaires jamais perpétrés. La commission présidentielle mise sur pied en 2007 pour enquêter sur ces deux affaires n’a pas encore publié ses conclusions. « Le fait que justice n’ait toujours pas été rendue dans ces deux affaires est choquant et vient démentir les promesses renouvelées du gouvernement depuis six ans de mener des enquêtes dignes de ce nom. Les familles des victimes ne pourront le croire tant qu’il n’aura pas pris de mesures concrètes. En premier lieu, il convient de rendre publiques les conclusions de la commission de 2007 », a estimé Yolanda Foster. À l’approche de l’EPU du 1er novembre, le procureur général du Sri Lanka a affirmé avoir demandé à la police d’enquêter sur ces deux affaires. « Pourquoi les autorités sri-lankaises ont-elles mis si longtemps à ordonner l’ouverture d’une enquête sur des cas aussi graves, et qu’adviendra-t-il de l’enquête de police une fois que l’intérêt de la communauté internationale suscité par l’EPU sera retombé ? », s’est interrogée Yolanda Foster. Après la session de l’EPU consacrée au Sri Lanka à Genève le 1er novembre, les rapporteurs doivent publier leur rapport complet lundi 5 novembre. Le Conseil des droits de l’homme doit officiellement adopter les conclusions de cette évaluation lors de sa session de mars 2013. La communauté internationale doit s’appuyer dessus pour demander au gouvernement sri-lankais de tenir ses engagements. Vous pouvez consulter (en anglais) la communication présentée par Amnesty International à l’Examen périodique universel de l’ONU sur le Sri Lanka, en octobre-novembre 2012, à l’adresse suivante : https://www.amnesty.org/en/library/asset/ASA37/008/2012/en/5747cec0-7e77-486f-9859-9623ee127b20/asa370082012en.pdf