Les États-Unis transfèrent le plus jeune détenu de Guantánamo au Canada

Le rapatriement par l’armée américaine d’Omar Khadr, depuis la base navale de Guantánamo Bay jusqu’à son pays natal, le Canada, est une modeste avancée pour en finir avec le trou noir que représente depuis plus de 10 ans le centre de détention géré par les États-Unis en termes de droits humains, a déclaré Amnesty International. Après avoir été transféré au Canada samedi 29 septembre, le jeune homme de 26 ans, né à Toronto, continuera de purger sa peine aux mains des autorités canadiennes jusqu’à ce qu’il remplisse les conditions requises pour solliciter une libération conditionnelle l’été prochain. Détenu par l’armée américaine depuis qu’il a été arrêté en Afghanistan à l’âge de 15 ans, en 2002, Omar Khadr a subi des actes de torture et autres mauvais traitements, et a été jugé à Guantánamo dans le cadre du système des commissions militaires, système qui bafoue les normes internationales relatives à l’équité des procès. « L’histoire tragique d’Omar montre à quel point il importe de fermer Guantánamo – pas demain, mais dès aujourd’hui, a indiqué Suzanne Nossel, directrice de la section américaine d’Amnesty International. « Toutefois, étant donné la lenteur avec laquelle le gouvernement de Barack Obama s’achemine vers la fermeture du centre de détention américain, quoique ténue et tardive, cette nouvelle représente un certain progrès. Le président américain doit tenir sa promesse de refermer le chapitre de Guantánamo, et veiller à ce que tous les détenus soient inculpés et jugés équitablement, ou remis en liberté. Il doit aussi mettre pleinement en œuvre l’obligation de rendre des comptes et donner accès à des recours pour les violations des droits humains que les autorités des États-Unis, entre autres, ont infligées aux détenus. C’est le seul moyen de garantir la justice pour tous. » De nombreux détenus sont toujours incarcérés à Guantánamo Malgré la promesse faite par le président Barack Obama de fermer Guantánamo dans l’année suivant son entrée en fonction en janvier 2009, au lendemain du rapatriement d’Omar Khadr, 166 hommes sont toujours incarcérés sur la base navale américaine. Lorsque l’armée américaine a commencé à transférer des prisonniers à Guantánamo en janvier 2002, ceux-ci ont été privés de la possibilité de consulter un avocat et de comparaître devant un tribunal pendant plus de deux ans. Durant cette période, les allégations de torture et d’autres mauvais traitements infligés aux détenus ont été particulièrement nombreuses. À ce jour, seul un détenu incarcéré à Guantánamo a été transféré sur le continent américain et jugé devant un tribunal fédéral de droit commun. Durant les 10 dernières années, neuf détenus de Guantánamo sont morts en détention, dont le Yéménite Adnan Farhan Abdul Latif, décédé au début du mois de septembre 2012. Une chance pour la justice au Canada En octobre 2010, Omar Khadr a été condamné à 40 ans de prison après avoir plaidé coupable de cinq chefs d’inculpation retenus au titre de la Loi de 2009 relative aux commissions militaires, notamment de « meurtre en violation des lois de la guerre » d’un militaire américain, tué en Afghanistan en 2002. Suite à un accord passé avant le procès, Omar Khadr ne doit purger que huit années – et il ne recevra pas de « crédit » pour les huit années déjà passées aux mains des autorités américaines. En outre, il pouvait être transféré au Canada au bout de 12 mois, même si à l’époque il n’était pas garanti que son rapatriement ait lieu. Aux termes du droit canadien, un mineur délinquant peut être condamné à une peine maximale de 10 ans – dont six années seulement derrière les barreaux. Les tribunaux, les organes de l’ONU et de nombreuses ONG, dont Amnesty International, ont à maintes reprises pointé du doigt les violations des droits humains – détention arbitraire et allégations de torture et de mauvais traitements notamment – qu’a subies Omar Khadr et auxquelles il convient d’apporter des réparations. Préoccupantes et crédibles, ses allégations de torture et de mauvais traitements aux mains de l’armée américaine doivent faire l’objet d’investigations impartiales et efficaces. Par ailleurs, les représentants de l’État canadien ont également bafoué les droits d’Omar Khadr lorsqu’ils ont continué de l’interroger à Guantánamo, lors même que sa détention et son traitement violaient le droit international. Son statut d’enfant combattant au moment de son placement en détention, et les obligations qui en découlent, doivent encore être officiellement reconnus. « Le cas d’Omar Khadr se démarque pour illustrer de manière criante l’absence de détermination des autorités canadiennes à défendre l’un de leurs citoyens, a estimé Alex Neve, secrétaire général de la section canadienne anglophone d’Amnesty International. « Le Canada a aujourd’hui l’occasion de pouvoir réparer certains des torts commis : il doit diligenter une enquête exhaustive et impartiale sur les allégations de torture et de mauvais traitements formulées par Omar Khadr, et lui accorder des réparations pour les violations subies. Les victimes d’atteintes aux droits humains ne devraient pas être obligées de forcer la main au système judiciaire dans des affaires où ces atteintes sont aussi flagrantes. » Enfin, Amnesty International invite les autorités canadiennes à accorder à Omar Khadr toutes les protections que lui garantit le droit national et international, et à veiller à ce qu’il bénéficie d’une réadaptation suffisante en vue de son éventuelle libération.