États-Unis : le Texas doit accorder la grâce à un homme qui doit être exécuté pour un crime commis alors qu’il était adolescent

Le Comité des grâces et des libérations conditionnelles du Texas et le gouverneur de l’État Rick Perry doivent accorder la grâce à un Afro-Américain qui doit être exécuté le 18 octobre pour un crime commis alors qu’il n’avait que 19 ans, a déclaré Amnesty International. Anthony Haynes, aujourd’hui âgé de 33 ans, a été condamné à mort en 1999 pour l’homicide de Kent Kincaid, un policier – blanc – tué par balles à Houston, au Texas, en 1998, alors qu’il n’était pas en service. L’affaire a été marquée par des allégations faisant état de discrimination raciale, d’une représentation juridique inadéquate et de manquements d’un magistrat. « Pour obtenir une condamnation à mort à l’encontre d’Anthony Haynes, le ministère public devait convaincre le jury qu’il constituerait une menace permanente pour la société, y compris en prison. Il ne pouvait invoquer le casier judiciaire de l’accusé, qui était vierge. Mais les avocats de la défense ont omis de faire valoir une série de circonstances atténuantes décisives, a expliqué Rob Freer, chercheur sur les États-Unis à Amnesty International. « La culture de la peine de mort au Texas est telle qu’il est extrêmement rare que l’exécutif accorde une grâce. Toutefois, nous sommes en présence d’une nouvelle affaire qui devrait inciter même les plus ardents défenseurs de la peine capitale à réfléchir aux homicides auxquels l’État procède en leur nom. » Amnesty International a écrit au Comité des grâces et des libérations conditionnelles du Texas et lui a soumis un rapport sur cette affaire. Depuis le début du procès, plus de 30 personnes ont signé des déclarations sous serment remises au tribunal, dans lesquelles elles ont déclaré que, si on le leur avait demandé, elles auraient été prêtes à témoigner que le crime commis ne ressemblait absolument pas à l’adolescent non violent et respectueux qu’elles connaissaient. Par ailleurs, le jury n’a pas été avisé qu’Anthony Haynes avait pris de la méthamphétamine en cristaux deux jours avant les faits, et n’a pas été informé des effets qui en ont résulté. Aucun expert n’a été cité pour expliquer les troubles mentaux que présentait l’accusé, pas plus que les circonstances atténuantes liées à sa jeunesse. Le procureur a pu faire valoir auprès du jury qu’aucune « circonstance atténuante » n’avait été présentée et qu’Anthony Haynes était « un dangereux prédateur que rien ne venait tempérer ». Anthony Haynes se comporte, selon les témoignages, en détenu modèle. Il a exprimé depuis longtemps déjà ses profonds remords pour le meurtre du sergent Kent Kincaid. Le 24 septembre, son avocat a déposé une requête auprès du tribunal fédéral pour demander un sursis. Pour le reste, il a épuisé toutes les voies de recours ordinaires. En 2009, une cour d’appel fédérale a rendu une décision demandant qu’Anthony Haynes soit rejugé, au motif que la sélection du jury était empreinte de discrimination raciale. En effet, lors de son procès en première instance, sur les 12 jurés, un seul était Afro-Américain, l’accusation ayant récusé d’office quatre des six jurés noirs potentiels lors de la sélection. Toutefois, la Cour suprême des États-Unis a annulé cette décision, invoquant les « implications importantes » qu’elle aurait si elle était maintenue. La procédure a également été marquée par les manquements d’un magistrat : le juge chargé de superviser la procédure de sélection du jury a passé son temps à démonter et nettoyer deux pistolets pendant qu’il présidait l’audience. Il a plus tard été réprimandé par la Commission de déontologie judiciaire de l’État du Texas, mais la condamnation à mort d’Anthony Haynes n’a pas été remise en cause. Parmi les personnes qui ont lancé un appel à la clémence en faveur d’Anthony Haynes figure son père, ancien enquêteur adjoint au service des pompiers de Houston : « L’exécution de mon fils, Anthony C. Haynes, par l’État du Texas aura un effet dévastateur sur toute ma vie. […] Anthony est mon seul enfant et son exécution m’ôtera l’une de mes principales raisons de vivre. Je vous demande de lui laisser la vie sauve, parce que je sais que les décisions qu’il a prises lorsqu’il était adolescent ne sont pas les décisions qu’il prend maintenant qu’il est un homme. Mon fils a changé, il est envahi par le remords d’avoir ôté la vie au sergent Kincaid. » Tout comme Anthony Haynes, plus de 100 détenus actuellement sous le coup de la peine capitale au Texas ont été jugés dans le comté de Harris. Sur les 486 personnes mises à mort au Texas depuis que les États-Unis ont repris les exécutions en 1977, près d’un quart d’entre elles, c’est-à-dire 116, ont été condamnées dans le comté de Harris. Si ce comté était un État, il se rangerait au deuxième rang, juste derrière le reste du Texas, s’agissant du nombre total d’exécutions pratiquées aux États-Unis. Sur les 486 prisonniers mis à mort au Texas, plus de 70 avaient 17, 18 ou 19 ans au moment des faits pour lesquels ils avaient été condamnés. Quarante d’entre eux étaient des Afro-Américains, parmi lesquels 28 avaient été condamnés pour des crimes dont les victimes étaient blanches. Depuis le début de l’année 2012, les autorités américaines ont procédé à 30 exécutions, dont neuf au Texas. Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances.