Le Yémen doit enquêter sur la mort de manifestants tués par des tireurs embusqués

Les autorités yéménites doivent diligenter sans délai une enquête indépendante sur les faits qui se sont déroulés dans la ville portuaire d’Aden (sud du pays) samedi 7 juillet, lorsque les Forces centrales de sécurité et des tireurs embusqués ont ouvert le feu sur une manifestation pacifique, tuant au moins trois personnes et en laissant une autre dans un état de mort clinique, a déclaré Amnesty International. Des tireurs embusqués ont été vus en train de tirer depuis des toits lors du rassemblement de centaines de personnes à l’occasion du 18e anniversaire du jour où les forces gouvernementales de Sanaa ont repris Aden aux sécessionnistes, en 1994, à la fin de la guerre civile. Selon certaines informations parues dans les médias, jusqu’à 18 personnes auraient été blessées au cours de la manifestation de samedi. Des témoins ont indiqué aux délégués d’Amnesty International présents à Aden que des membres des forces de sécurité avaient tenté de pénétrer dans l’hôpital Naqib dimanche soir, vraisemblablement dans le but d’arrêter des manifestants blessés qui y étaient soignés. « Les autorités doivent agir immédiatement pour enquêter sur ces morts et traduire en justice les personnes qui ont ordonné et mené cette attaque déplorable apparemment coordonnée, a souligné Philip Luther, directeur du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Si elles donnent l’impression de fermer les yeux sur le meurtre de manifestants pacifiques par les forces de sécurité, la situation risque d’empirer. » La manifestation a débuté sur la place al Hashemi, dans le quartier de Sheikh Othman, à Aden, à 9 h 30 heure locale samedi matin. Après des discours de membres du Mouvement du sud – une coalition informelle réunissant des groupes politiques dont certains veulent que le sud du Yémen fasse sécession du reste du pays –, des manifestants ont commencé à défiler en direction du quartier d’al Mansoura. Des membres des forces de sécurité venus à bord de trois véhicules blindés ont ouvert le feu sur eux quand ils ont atteint un endroit appelé « rond-point des Textiles ». Des tireurs embusqués se sont placés sur des toits et se sont mis à tirer sur les manifestants alors qu’ils prenaient la fuite. « Ces manifestants ne faisaient qu’exercer leur droit à la liberté de réunion pacifique. Ils ne présentaient aucune menace pour les forces de sécurité ni pour quiconque, a ajouté Philip Luther. Le recours à une force meurtrière contre eux ne peut pas être justifié. » D’après les informations recueillies par Amnesty International, trois des manifestants, Adil Haitham Jaber, Marwan Ahmed Ba Azab et Fahad Hussein al Junaidi, ont été abattus. Un autre, Mohammed Qaid Salman, a été touché par un tir à la tête et a été déclaré cliniquement mort à l’hôpital. Alors qu’ils se trouvaient à l’hôpital Naqib, des délégués d’Amnesty International ont vu un homme, Wassim Mohammed Ali Awad, se faire soigner pour une blessure par balle à l’abdomen. Plusieurs autres personnes ont dû recevoir des soins pour des convulsions vraisemblablement liées à leur exposition aux gaz lacrymogènes. Un certain nombre d’agents qui feraient partie des Forces centrales de sécurité, dont deux en uniforme et plusieurs autres en civil, se sont présentés à l’hôpital Naqib dimanche soir. Selon certaines sources, deux ou trois d’entre eux sont entrés et ont fouillé presque toutes les chambres du bâtiment mais sont finalement partis, ne trouvant pas ce qu’ils cherchaient. Personne n’a été arrêté. Il est déjà arrivé que les forces de sécurité pénètrent dans cet hôpital et arrêtent des personnes qui y étaient soignées. L’un d’eux, Hassan Baoom, qui est président d’une faction du Mouvement du sud appelée Conseil suprême national pour la libération du sud, a été arrêté avec son fils Fawaz Baoom par des membres des forces de sécurité à l’hôpital Naqib le 20 février 2011. Les deux hommes ont été libérés sans inculpation le 7 décembre 2011. Note aux rédacteurs Les porte-parole d’Amnesty International sont disponibles : •Dina El Mamoun, chargée des recherches sur le Yémen (en anglais et en arabe), depuis ce pays. • Philip Luther, directeur du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord (en anglais et en arabe), depuis Londres. Renseignements : pour en savoir plus ou organiser des interviews, veuillez prendre contact avec le Service de presse d’Amnesty International à Londres ; tél : +44 (0) 7413 5566 ; courriel : [email protected].