Myanmar : les violences dont sont victimes les Rohingyas minent les avancées en matière de droits fondamentaux

Six semaines après l’instauration de l’état d’urgence dans l’État d’Arakan, au Myanmar, les attaques ciblées et les atteintes aux droits humains infligées par les forces de sécurité aux Rohingyas et à d’autres musulmans se multiplient, a déclaré Amnesty International jeudi 19 juillet. Les violences interethniques dans cet État se poursuivent, a-t-elle ajouté. « Instaurer l’état d’urgence n’équivaut pas à délivrer un permis de bafouer les droits humains, a fait valoir Benjamin Zawacki, chercheur sur le Myanmar à Amnesty International. « Les forces de sécurité ont le devoir de défendre le droit de tous – sans exception ni discrimination – à ne pas être la cible de violences, tout en respectant elles-mêmes les normes relatives aux droits humains. » Le gouvernement du Myanmar a mis en place des dispositions d’urgence dans l’État d’Arakan le 10 juin, après que des violences interethniques ont éclaté la semaine précédente entre les communautés rakhine bouddhiste, rakhine musulmane et rohingya musulmane. Ces dispositions sont toujours en vigueur dans plusieurs zones. Depuis lors, la police des frontières du Myanmar, connue sous le nom de Na Sa Ka, l’armée et la police procèdent à un grand nombre d’arrestations dans des secteurs majoritairement habités par les Rohingyas. Des centaines d’habitants, pour la plupart des hommes et des garçons, ont été placés en détention, pratiquement tous au secret, et certains ont subi des mauvais traitements. S’il est nécessaire de rétablir l’ordre et la sécurité et de protéger les droits fondamentaux, ces arrestations semblent être bien souvent frappées au coin de l’arbitraire et de la discrimination, en violation du droit à la liberté et du droit de ne pas être exposé à des discriminations fondées sur la religion. « En six semaines, le Myanmar a non seulement allongé la litanie des violations des droits humains infligées aux Rohingyas, mais a aussi fait volte-face s’agissant de l’incarcération politique, a indiqué Benjamin Zawacki. « Après plus d’un an de grâces et de libérations de détenus, le nombre total de prisonniers politiques incarcérés au Myanmar est de nouveau en hausse. » Toute personne arrêtée depuis le 10 juin doit être inculpée d’une infraction prévue par le droit international et renvoyée devant un tribunal indépendant, ou libérée. Toute procédure judiciaire doit respecter les normes internationales d’équité et exclure le recours à la peine de mort. Par ailleurs, Amnesty International a reçu des informations crédibles selon lesquelles les Rohingyas et les Rakhines musulmans ont vu leurs droits humains bafoués – violences physiques, viols, destruction de biens et homicides illégaux notamment – par les Rakhines bouddhistes et les forces de sécurité. Les autorités doivent mettre fin à ces agissements et empêcher les violences futures. Le 3 juin, dans la communauté urbaine de Taung Gouk, dans l’État d’Arakan, une foule de Rakhines bouddhistes a tué 10 musulmans qui rentraient en bus chez eux, à Yangon. La Commission nationale des droits de l’homme du Myanmar a déclaré le 11 juillet qu’au moins 78 personnes avaient été tuées depuis le début des affrontements. Toutefois, les estimations non officielles font état de plus de 100 morts. On estime qu’entre 50 000 et 90 000 personnes ont été déplacées, le chiffre le plus bas émanant du gouvernement et le plus haut des organes de l’ONU. Cet écart s’explique en grande partie par le fait que les autorités birmanes n’autorisent qu’un accès extrêmement restreint aux observateurs indépendants de la communauté internationale, ainsi qu’aux travailleurs humanitaires. « Les besoins humanitaires et relatifs aux droits humains des personnes touchées par les violences dépendent de la présence d’observateurs et d’organisations humanitaires, a poursuivi Benjamin Zawacki. « Les autorités aggravent la situation et exacerbent la souffrance des personnes déplacées en raison des violences. » Par ailleurs, Amnesty International invite le Parlement du Myanmar à modifier ou abroger la Loi relative à la citoyenneté de 1982, qui condamne les Rohingyas à être apatrides. « En vertu du droit international et des normes relatives aux droits humains, personne ne doit être maintenu ni rendu apatride. Depuis trop longtemps, le bilan du Myanmar en termes de droits humains est marqué par le refus d’accorder la citoyenneté aux Rohingyas et par de nombreuses pratiques discriminatoires à leur endroit », a conclu Benjamin Zawacki.