Azerbaïdjan. Représailles contre les militants pro-démocratie de l’Eurovision

Les charges retenues contre un vidéo-blogueur, photojournaliste et militant pro-démocratie, inculpé mercredi 13 juin à Bakou de « houliganisme », doivent être abandonnées immédiatement et sans condition, a déclaré Amnesty International jeudi 14 juin. L’organisation est convaincue que Mehman Housseïnov, âgé de 23 ans, a été pris pour cible pour avoir dénoncé les violences commises en Azerbaïdjan à l’occasion du concours Eurovision de la chanson, le mois dernier. Le jeune homme a été libéré sous caution mais encourt une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Son arrestation s’inscrit dans le contexte de la montée du harcèlement policier ciblant les jeunes militants qui ont participé aux manifestations de protestation au moment de l’Eurovision. « L’arrestation de Mehman Housseïnov marque le début de ce que beaucoup avaient prédit, à savoir la répression du gouvernement à l’encontre de ceux qu’il estime responsables de la publicité négative faite pendant l’Eurovision », a déclaré Max Tucker, chargé de campagne pour l’Azerbaïdjan à Amnesty International. « La réticence persistante des dirigeants européens à condamner les violations choquantes des droits dans ce pays riche en pétrole donne aux autorités la latitude nécessaire pour mener des représailles. » Mehman Housseïnov travaillait en tant que coordonnateur pour les médias au sein du groupe qui a lancé la campagne Chanter pour la démocratie et encouragé Loreen – représentante suédoise et gagnante du concours – à dénoncer publiquement les problèmes liés aux droits humains en Azerbaïdjan. Accusé de « hooliganisme », il encourt cinq ans d’emprisonnement. Les faits qui lui sont reprochés se sont produits le 21 mai, lors d’une manifestation qu’il couvrait. Des témoins ont rapporté à Amnesty International que des policiers avaient délibérément brisé les appareils photo de Mehman Housseïnov et d’un collègue, après quoi il les avait insultés. Dans le droit azerbaïdjanais, le hooliganisme ne constitue une infraction pénale que lorsqu’il s’accompagne de violence. Cinq des policiers en question ont certifié que Mehman Housseïnov avait non seulement proféré des injures mais aussi agi « de manière violente », sans toutefois fournir plus de précisions. À l’inverse, deux témoins ont attesté qu’il n’avait manifesté aucune violence, et un enregistrement vidéo de la scène semble étayer leur version des faits. Des photographies de Mehman Housseïnov montrant des manifestations pacifiques dispersées violemment à Bakou ont été diffusées largement dans les médias internationaux et sur les réseaux sociaux. En mars 2011, Mehman Housseïnov avait été arrêté et interrogé au sujet de ses activités sur Facebook alors qu’il travaillait comme cameraman pour Amnesty International. Il est le plus jeune frère d’Emine Housseïnov, directeur de l’Institut pour la liberté et la sécurité des reporters (IRFS), organisation non gouvernementale azerbaïdjanaise qui a mené la campagne Chanter pour la démocratie. « Nous savions que les autorités riposteraient, nous ignorions simplement quand et comment », a déclaré Emine Housseïnov à Amnesty International. « Quand la communauté internationale fera-t-elle savoir à notre gouvernement que c’en est trop ? J’espère juste qu’il ne sera pas trop tard pour épargner la prison à mon frère. » Mehman Housseïnov est le septième journaliste arrêtés en Azerbaïdjan et, s’il est déclaré coupable, cela portera à 15 le nombre de prisonniers d’opinion dans le pays actuellement. Selon le Front populaire, parti d’opposition, trois autres jeunes militants ayant participé à des manifestations pendant l’Eurovision ont été harcelés par la police au cours des derniers jours. L’une d’eux, Khanim Moustafaïeva, a expliqué à Amnesty International que la police avait convoqué son père pour l’interroger sur son appartenance présumée à des « forces radicales ». La police a aussi convoqué deux fois les parents de Ramine Moussaïev pour leur dire que leur fils avait « rejoint des forces religieuses radicales » et « troublé l’ordre public ». Elle a ensuite interrogé ce jeune homme et l’a menacé de le faire renvoyer de l’école. Le père de Bayim Hassanli a également été convoqué dans un poste de police pour y être interrogé au sujet des activités de sa fille, qui a assisté à l’altercation du 21 mai entre Mehman Housseïnov et les forces de l’ordre.