Des attaques homophobes «virulentes» mettent en péril les militants dans le Caucase du Sud

L’Arménie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan doivent faire davantage pour protéger les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), a déclaré Amnesty International après une série d’attaques ciblant des militants. Plutôt que de condamner un attentat à la bombe qui a touché le 8 mai un bar gay-friendly dans le centre d’Erevan, la capitale arménienne, certains représentants de l’État ont fait des déclarations officielles homophobes et cautionné la violence faite aux LGBTI. Dans le même temps, le 17 mai, en Géorgie voisine, la police n’est guère intervenue pour empêcher un groupe de chrétiens orthodoxes de barrer la route à une marche pacifique initiée dans la capitale Tbilissi par une organisation de défense des droits des LGBTI à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. « Le caractère virulent de ces attaques illustre la nécessité d’un dialogue public afin de lutter contre l’homophobie dans tout le Caucase du Sud, en vue de protéger les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées contre la discrimination », a indiqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. À Erevan, un attentat à la bombe Le 8 mai, des « fascistes », comme ils se sont eux-mêmes décrits, ont été filmés par une caméra de sécurité alors qu’ils lançaient des cocktails Molotov sur les fenêtres d’un bar gay-friendly dans le centre d’Erevan. Les policiers seraient arrivés sur les lieux 12 heures plus tard afin d’enquêter sur cette attaque incendiaire. Deux jeunes hommes ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête, mais ont été libérés sous caution peu après par deux parlementaires de l’opposition, membres du parti nationaliste Fédération révolutionnaire arménienne (FRA, ou Dashnaktsutyun). Ils ont cautionné l’attaque, affirmant qu’elle s’inscrivait « dans le contexte de l’idéologie sociétale et nationale ». Les dirigeants de la FRA ont pris leurs distances par rapport à cette libération sous caution, affirmant que les parlementaires avaient agi à titre personnel. Cependant, ils n’ont pas demandé publiquement à leurs collègues de s’excuser pour avoir apporté leur soutien à ce crime inspiré par la haine. Edouard Charmazanov, porte-parole du Parti Républicain, au pouvoir en Arménie, et vice-porte-parole du Parlement, a déclaré le 17 mai au journal Hayots Achkhar : « En tant que citoyen arménien et membre du parti national conservateur [au pouvoir], je trouve la rébellion de ces deux jeunes Arméniens contre les homosexuels […] totalement juste et justifiée […] Aux défenseurs des droits humains, qui tentent de récolter quelques maigres dividendes de cet événement, je leur demande avant tout de protéger les valeurs nationales et universelles. » Amnesty International estime que ce type de discours de la part des autorités est dangereux, alimente la discrimination et fragilise le rôle des défenseurs des droits humains. « La réponse officielle à l’attentat d’Erevan est profondément choquante : protéger les droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées n’est pas une concession, mais une obligation au titre du droit international, que l’Arménie est tenue de respecter », a expliqué John Dalhuisen. À Tbilissi, des actes homophobes et transphobes Le 17 mai, les membres d’IDENTOBA, une organisation géorgienne de défense des droits des LGBTI, qui participaient à une marche pacifique dans le centre de Tbilissi à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, ont été la cible d’une attaque. Un groupe de chrétiens orthodoxes et des membres de l’Union des parents orthodoxes se sont mis à les insulter et les menacer. Des prêtres orthodoxes comptaient parmi les contre-manifestants qui, hurlant des insultes et donnant force coups de poing, ont empêché les manifestants pacifiques de poursuivre jusqu’au Parlement. Des affrontements auraient éclaté lorsque les contre-manifestants ont attaqué les marcheurs et déchiré des pancartes. Sur une vidéo des événements, on peut voir des policiers intervenir lorsqu’une bagarre a éclaté entre les deux groupes. Cinq personnes, dont trois membres d’IDENTOBA, ont été interpellées et libérées peu après. « Une société tolérante se caractérise par la tenue de manifestations pacifiques et la lutte contre la discrimination », a assuré John Dalhuisen. Les autorités publiques se doivent de respecter la liberté d’expression de tous les groupes sans discrimination, et par conséquent de protéger les manifestants pacifiques contre toute attaque violente. « La police à Tbilissi n’a pas empêché que les violences homophobes et transphobes viennent gâcher la marche à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. Elle doit désormais enquêter sur les violences et mettre en place des mesures afin d’améliorer le maintien de l’ordre lors des prochaines manifestations pacifiques », a ajouté John Dalhuisen. À Bakou, inquiétudes à l’approche de l’Eurovision Les organisations de défense des droits des LGBTI en Azerbaïdjan, autre pays du Caucase du Sud, ont également fait part de leur inquiétude quant à la sécurité des participants LGBTI durant le concours Eurovision de la chanson 2012, qui aura lieu du 22 au 26 mai dans la capitale Bakou. L’Azerbaïdjan a dépénalisé les relations entre personnes du même sexe en 2001, mais n’a toujours pas promulgué les lois qui interdisent précisément la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre et apportent une protection efficace aux LGBTI. L’homophobie et la transphobie demeurent monnaie courante et on constate peu d’amélioration s’agissant des attitudes publiques et des pratiques discriminatoires à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées.