Azerbaïdjan. Des journalistes brutalement attaqués alors que la répression se poursuit à l’approche de l’Eurovision

La violente agression dont ont été victimes des journalistes qui tentaient de filmer des démolitions illégales d’habitations près de Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, mercredi 18 avril doit donner lieu à une enquête approfondie et impartiale par les autorités, a souligné Amnesty International. Idrak Abbassov et son frère Adalet Abbassov ont été hospitalisés après avoir été attaqués par environ 25 fonctionnaires et policiers agissant sous le contrôle de responsables du ministère de l’Intérieur. Plusieurs autres journalistes ont fui les lieux lorsque des représentants de l’État les ont pris pour cibles. « On aurait pu penser que, à la veille de l’Eurovision et de la diffusion d’images depuis Bakou dans le monde entier, les autorités se conduiraient de leur mieux, a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. « Au contraire, les journalistes qui révèlent des atteintes aux droits humains sont eux-mêmes attaqués par des représentants de l’État résolus à les empêcher de rendre compte de la vérité. » Idrak Abbassov, qui s’est vu attribué le mois dernier un prix de journalisme par Index on Censorship, a été passé à tabac jusqu’à perdre connaissance, tandis qu’Adalet Abbassov a été blessé à la tête et a eu une côte fracturée. Plusieurs centaines de salariés de la compagnie pétrolière nationale de l’Azerbaïdjan (SOCAR), accompagnés par de très nombreux policiers, étaient en train de démolir illégalement des habitations à Sulutepe lorsque les frères Abbassov sont arrivés avec une consœur, Gounaï Moussaïeva. Selon un défenseur des droits humains présent sur place, Zohrab Ismaïl, les habitants de Sulutepe n’ont pas été informés du projet de les expulser et de démolir leurs logements. La SOCAR veut exploiter un champ pétrolifère dans cette localité. Gounaï Moussaïeva a indiqué à Amnesty International que, lorsque les journalistes étaient arrivés sur les lieux, un groupe d’agents de sécurité de la SOCAR attaquaient des habitants de Sulutepe qui résistaient aux démolitions. Selon elle, quand ils ont vu les journalistes filmer la scène, des employés de la SOCAR et des policiers ont attrapé leurs caméras, frappé les frères Abbassov à coups de matraque à plusieurs reprises et les ont roués de coups de pied et de poing à terre jusqu’à ce qu’ils perdent connaissance. « Je ne cessais de leur dire d’arrêter de le battre [Idrak] ; le pauvre homme était par terre et couvert de sang », a-t-elle raconté. Des salariés de la SOCAR ont donné des coups de poing à Gounaï Moussaïeva au visage, dans le dos et dans le ventre et ils l’ont traînée à l’écart par les cheveux : « Ils ont pris ma caméra et ma carte de presse et, tout en me frappant, ils continuaient de nous insulter et nous disaient d’arrêter de filmer les coups portés aux protestataires », a-t-elle ajouté. Trois autres journalistes, Esmira Djavadova, Galib Hassanov et Elnour Mammadov, ont été violemment pris à partie par des employés de la SOCAR quand ils sont arrivés sur les lieux en taxi. Les policiers se sont contentés de regarder lorsque des salariés brandissant des matraques ont fracassé les vitres de leur véhicule, les forçant à prendre la fuite. « Le gouvernement azerbaïdjanais cherche de toute évidence à étouffer toute couverture négative à l’approche de l’Eurovision en mai, a noté John Dalhuisen. « L’Azerbaïdjan doit respecter la liberté de la presse, et l’Union européenne de radio-télévision, coorganisatrice de ce concours de la chanson, doit prendre sans attendre la défense des journalistes. »