Cambodge. Le verdict contre Douch est accueilli favorablement mais suscite des préoccupations en matière de droits humains

Le verdict rendu en appel contre un ancien responsable de prison par le tribunal chargé de juger, avec le soutien des Nations unies, les crimes commis par les Khmers rouges constitue une étape importante dans la lutte contre l’impunité mais suscite certaines préoccupations en ce qui concerne les droits humains, a déclaré Amnesty International vendredi 3 février. La chambre de la cour suprême a confirmé la condamnation du directeur de prison Kaing Guek Eav, alias Douch, pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre décrits comme « parmi les pires de l’histoire », et a fait passer sa peine de 35 ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité. Douch est tenu responsable de l’homicide d’au moins 12 272 hommes, femmes et enfants entre 1975 et 1979 alors qu’il dirigeait la prison secrète « S21 » tenue par les Khmers rouges dans une ancienne école à Phnom Penh. Le jugement a alourdi la peine contre Douch mais a également annulé – ce qui est préoccupant en termes de respect des droits humains – un droit à réparation qui lui avait été accordé du fait qu’un tribunal militaire cambodgien l’a détenu illégalement, sans enquête ni procès, de mai 1999 à juillet 2007. « La clôture de cette première affaire constitue une étape importante dans la lutte contre l’impunité pour les très nombreux crimes commis par les Khmers rouges et elle va aider les Cambodgiens à tirer un trait sur ce chapitre tragique de l’histoire de leur pays », a déclaré Rupert Abbott, spécialiste du Cambodge à Amnesty International qui a assisté à l’audience du 3 février. « Cependant, la décision d’annuler définitivement toute réparation pour la détention illégale de Douch, peut donner l’impression d’une affaire où l’opinion publique a surpassé les droits humains. » Amnesty International considère que la décision prise en juillet 2010 par la chambre de première instance d’accorder réparation – une réduction de cinq ans de la peine d’emprisonnement de Douch pour cette détention illégale – faisait clairement savoir à la justice cambodgienne que les droits humains devaient être universellement respectés et toute violation donner droit à réparation. La décision qui a apparemment était prise de laisser la justice cambodgienne, critiquée pour son manque d’indépendance, se prononcer sur l’éligibilité de Douch à une libération conditionnelle est également préoccupante. En outre, les conclusions ambiguës au sujet de la compétence du tribunal chargé de juger l’ancien Khmer Rouge pourrait avoir des implications sur d’autres affaires. En effet, la chambre de la cour suprême a mis l’accent sur la souffrance des victimes de Douch, de leurs familles et du peuple cambodgien, en admettant plusieurs parties civiles supplémentaires – des victimes – dont la candidature avait été rejetée lors du premier jugement. Amnesty International a demandé au gouvernement cambodgien d’apporter son soutien à des réparations « morales et collectives » pour les victimes du régime khmer rouge. « Le jugement du 3 février met l’accent sur le rôle important des victimes dans la procédure suivie par le tribunal jugeant les crimes des Khmers rouges, a déclaré Rupert Abbott. Nous espérions, cependant, une décision plus innovante sur les réparations “morales et collectives”, et invitons vivement le gouvernement cambodgien à travailler avec les associations de victimes pour répondre à leurs besoins à cet égard. » La chambre de la cour suprême n’a émis qu’un jugement en appel sommaire vendredi 3 février, la décision complète sera rendue ultérieurement. Le jugement est définitif et sans appel.