La Russie doit agir en vue de protéger les journalistes au Daghestan

Le terrible assassinat d’un journaliste, abattu dans la soirée du jeudi 15 décembre au Daghestan, témoigne des risques effrayants que courent les journalistes dans cette République, a déclaré Amnesty International vendredi 16 décembre. Khadjimourad Kamalov, fondateur et rédacteur en chef du journal Tchernovik, connu pour ses prises de position en faveur des droits humains, a été abattu dans son bureau à Makhachkala, la capitale du Daghestan. « Les autorités fédérales et régionales russes doivent mener sans délai une enquête impartiale sur ce meurtre affligeant et choquant visant un journaliste courageux qui semble, comme tant d’autres avant lui, avoir été pris pour cible en raison de son travail », a indiqué John Dalhuisen, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. Khadjimourad Kamalov, 46 ans, était un militant et journaliste bien connu qui dénonçait publiquement les atteintes aux droits humains perpétrées au Daghestan et incitait les gens à se battre pour leurs droits. Le comité d’enquête a observé vendredi 16 décembre qu’il n’était pas exclu que l’assassinat de Khadjimourad Kamalov soit lié à ses activités professionnelles. En 2009, le nom du journaliste est apparu sur une liste de « personnes à abattre », distribuée sous forme de tracts au Daghestan. L’auteur anonyme affirmait que Khadjimourad Kamalov était associé à des personnes responsables de la mort de représentants de la loi au Daghestan. Tchernovik, qu’il avait fondé en 2003, est connu pour ses reportages incisifs et sans concession sur la situation politique au Daghestan et pour défendre avec conviction le dialogue entre les communautés ethniques et religieuses. L’hebdomadaire est réputé pour ses enquêtes et ses reportages sans détour sur les violations des droits humains imputables aux organes responsables de l’application des lois et aux groupes armés. Il traite également de corruption, de pauvreté et d’inégalité dans cette république du Caucase du Nord en proie à l’instabilité. Les journalistes de Tchernovik font l’objet de menaces et de mesures de harcèlement systématiques en raison de leur travail. Ils ont été poursuivis pour « incitation à la haine et atteinte à la dignité humaine » après avoir publié des articles dénonçant les agissements de la police et des forces de sécurité en 2008. Le dossier s’est clos en mai 2011 par leur acquittement devant les tribunaux. « Ce dernier assassinat d’un journaliste courageux attaché à des principes adresse un terrible message aux autres reporters et aux détracteurs du gouvernement, a indiqué John Dalhuisen. « Les autorités doivent prendre des mesures efficaces afin de faire respecter le droit à la liberté de parole au Daghestan et plus particulièrement protéger les journalistes, pour qui la situation devient désespérée. » Le Daghestan compte parmi les endroits les plus dangereux de la région pour les journalistes. Un autre journaliste de Tchernovik, Magomed Khanmagomedov, a été menacé par des responsables de l’application des lois après avoir publié des articles en 2010 sur des homicides qu’auraient commis des policiers contre des combattants présumés non armés. Il a également été roué de coups par des assaillants non identifiés en mai 2011. Ali Kamalov, membre de la famille de Khadjimourad Kamalov et président du syndicat des journalistes au Daghestan, a déclaré à Amnesty International que les violences et les menaces sont devenues monnaie courante pour les journalistes au Daghestan. Au moins six de ses collègues ont été tués au cours des deux dernières années.