Népal. Il faut protéger les migrants népalais des «fausses promesses» de l’emploi à l’étranger

Des agences de recrutement népalaises aux pratiques malhonnêtes se livrent à la traite de migrants népalais, qui se retrouvent exploités et contraints au travail forcé dans les États du Golfe et en Malaisie, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public mardi 13 décembre, appelant le gouvernement népalais à renforcer la protection de ses ressortissants employés à l’étranger.Ce document, intitulé False Promises: Exploitation and forced labour of Nepalese migrant workers, attire l’attention sur le sort réservé à certaines personnes désireuses d’émigrer, qui contractent de larges emprunts afin de payer des frais de recrutement censés leur assurer un emploi à l’étranger ; elles ne se rendent pas compte que les agences de recrutement leur mentent à propos du travail, du salaire et des conditions qu’elles acceptent.Amnesty International a parlé avec près de 150 travailleurs migrants et découvert que 90 % d’entre eux avaient été abusés par des agences de recrutement au sujet de leur contrat d’embauche. Certains n’avaient droit à aucun jour de repos, travaillaient dans des conditions dangereuses ou recevaient moins de la moitié du salaire qui leur avait été promis. « Ces Népalais espèrent une vie meilleure à l’étranger mais échouent avant même d’avoir quitté leur pays, car des agents chargés du recrutement – qui réalisent d’énormes profits – leur mentent sur les termes de leur contrat, ce qui est l’une des principale caractéristiques de la traite des êtres humains », a déclaré Norma Kang Muico, spécialiste à Amnesty International des droits des migrants dans la région Asie-Pacifique. « Lorsqu’ils découvrent la véritable nature de leur travail, beaucoup d’entre eux sont déjà pris au piège, croulant sous d’énormes emprunts, assortis de taux d’intérêt pouvant atteindre les 60 %, à rembourser à des prêteurs privés. »Les agences de recrutement facturent en moyenne 100 000 roupies népalaises (soit environ 900 euros) pour leurs services, le triple du salaire annuel moyen au Népal.Sans aucun autre moyen de rembourser les larges sommes qu’ils ont empruntées, les travailleurs migrants sont exposés à un risque élevé d’exploitation. Amnesty International a recensé des cas dans lesquels des migrants ont par ailleurs été frappés, menacés et ont vu leur liberté de mouvement restreinte par des employeurs dans les pays de destination. Des migrants exploités ou contraints au travail forcé ayant demandé de l’aide à des agences de recrutement népalaises ou à leur gouvernement n’ont pas bénéficié d’un grand soutien. Des agences de recrutement ont même approuvé la pratique, fréquente chez les employeurs et qui favorise les violations, consistant à confisquer les passeports. Des restrictions sont appliquées aux Népalaises concernant le travail à l’étranger, ce qui accroît leur vulnérabilité. Des interdictions occasionnelles pesant sur les postes d’employées de maison et l’obligation d’obtenir la permission de leur famille avant d’émigrer amènent certaines femmes à quitter le pays par des moyens irréguliers ou à devenir « sans papiers ». Amnesty International s’est entretenue avec des migrantes employées de maisons qui travaillaient 21 heures par jour, n’avaient pas le droit de sortir et avaient été victimes d’agressions sexuelles aux mains de leurs employeurs.« Le gouvernement doit mettre fin aux pratiques discriminatoires qui conduisent des femmes souhaitant émigrer à emprunter des voies clandestines, ce qui les expose à un risque élevé d’exploitation sans qu’elles ne puissent bénéficier de la protection à laquelle les migrants en situation régulière ont droit », a poursuivi Norma Kang Muico.La Loi népalaise relative à l’emploi à l’étranger, en vigueur depuis 2007, est censée accorder une protection aux travailleurs migrants. Ce texte oblige les agences de recrutement à fournir aux travailleurs migrants un exemplaire de leur contrat à l’avance et protège contre les sommes excessives exigées en échange de certains services de recrutement. Il prévoit par ailleurs des sanctions contre les agents chargés du recrutement qui ne respectent pas les termes du contrat. Des recherches menées par Amnesty International ont montré que des agences de recrutement ont porté atteinte à cette loi, notamment en refusant de présenter des contrats, en en changeant les termes et conditions, et en facturant des sommes exorbitantes pour certains services. Le gouvernement népalais ne fait cependant pas appliquer cette loi, et aucune agence n’a été sanctionnée.En vertu de ce texte, travailleurs migrants ont par ailleurs droit à une indemnisation lorsque les termes et conditions n’ont pas été respectés, mais rares sont ceux qui connaissent les mécanismes existants de plaintes et de recours au Népal.Près de 20 % du produit intérieur brut (PIB) du Népal pour 2010-2011 provenait des versements faits par des travailleurs migrants, qui subviennent par ailleurs aux besoins de leur propre famille. Les chiffres officiels montrent que le nombre de Népalais qui émigrent a été multiplié par cinq depuis 2000 et que le Qatar est l’un des principaux employeurs de travailleurs népalais – en grande partie dans le secteur de la construction, notamment en prévision de la Coupe du monde de football de 2022. « Si le gouvernement mettait l’accent sur la sécurité de la migration, des centaines de milliers de migrants népalais et leur famille en bénéficieraient chaque année », a ajouté Norma Kang Muico. « Il est impératif que le gouvernement népalais agisse afin de protéger ses ressortissants à l’étranger, ce qui peut en outre profiter à l’économie népalaise », a-t-elle expliqué. « Le gouvernement doit mettre fin à l’impunité des agences de recrutement aux pratiques peu scrupuleuses et faire pleinement appliquer la Loi relative à l’emploi à l’étranger », a-t-elle recommandé. Amnesty International a par ailleurs demandé au gouvernement d’en faire plus pour garantir que des mécanismes d’indemnisation soient accessibles et opérationnels. « De nombreux travailleurs migrants ignorent tout de leurs droits et ne savent pas vers qui se tourner pour obtenir de l’aide. Les autorités népalaises doivent veiller à ce que les personnes travaillant à l’étranger et leurs proches reçoivent des informations correctes sur le processus migratoire », a conclu Norma Kang Muico.Complément d’information Entre septembre 2010 et mai 2011, Amnesty International a interrogé 149 Népalais ayant travaillé à l’étranger ou souhaitant le faire, et rencontré sept agences de recrutement et de nombreux représentants gouvernementaux.Les chiffres officiels montrent que 294 094 Népalais ont émigré pour trouver du travail en 2010, contre 55 025 en 2000. La majorité se rend en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, en Malaisie et au Qatar pour y travailler dans la construction, dans la manufacture et comme employés de maison. Les véritables chiffres atteindraient environ le double. Le Népal est l’un des pays les moins développés au monde. Quarante-deux % de la population népalaise – le nombre total d’habitants s’élève à près de 30 millions – vivent en-dessous du seuil de pauvreté et selon les chiffres les plus récents, le taux de chômage se situait à 46 % en 2008.