Amnesty International exhorte les fournisseurs d’armes à suspendre les transferts destinés à l’armée égyptienne

Les fournisseurs d’armes internationaux doivent suspendre les transferts d’armes de petit calibre, de munitions et d’autres équipements répressifs à destination de l’armée et des forces de sécurité égyptiennes, a déclaré Amnesty International lundi 19 décembre après que l’armée eut de nouveau violemment dispersé des manifestations au Caire. L’organisation a condamné ce recours excessif à la force contre des manifestants et demandé une cessation des transferts d’armes légères et de petit calibre, des munitions associées et d’autres équipements en direction de l’Égypte, et de l’ensemble du matériel de sécurité susceptible d’être utilisé pour réprimer violemment les droits humains, comme le gaz lacrymogène, les balles en caoutchouc et en plastique, et les véhicules blindés. « On ne peut plus considérer qu’il est acceptable de fournir à l’armée égyptienne le type d’armes, de munitions et d’équipements qui sont utilisés dans le cadre des actes brutaux que nous la voyons commettre contre les manifestants », a expliqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International. « De deux choses l’une : soit la police militaire a donné l’ordre de disperser les manifestants à n’importe quel prix, soit le Conseil suprême des forces armées ne contrôle pas l’armée et les forces de sécurité. Ces deux scénarios sont aussi alarmants l’un que l’autre. » D’après le ministère égyptien de la Santé, au moins 11 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées depuis vendredi 16 décembre. Au moins 300 personnes ont été arrêtées et déférées au parquet ; figurent parmi celles-ci au moins 11 femmes et de nombreux mineurs, dont certains n’auraient pas plus de 10 ans. Une cinquantaine d’autres personnes ont été placées en détention pendant quelques heures puis relâchées. Toutes auraient été rouées de coups, et celles qui se trouvent toujours en détention sont privées de soins médicaux. La situation a basculé dans la violence quand le personnel militaire est venu disperser un sit-in devant les bureaux du gouvernement, brûlant des tentes, frappant les manifestants à coups de bâton et de pneus, et leur jetant des pierres et des objets tranchants. Les forces armées ont ensuite utilisé des balles réelles et des fusils. Amnesty International a déclaré que des séquences vidéo disponibles, montrant de rudes passages à tabac prolongés, prouvent que la police militaire a recouru à une force excessive de manière gratuite, dans le but de punir les manifestants plutôt que de préserver l’ordre public. Une de ces vidéos, donnant à voir des membres de la police militaire traîner deux femmes – une avait les habits déchirés – par terre avant de les frapper sauvagement et de les piétiner, a circulé sur Internet, suscitant une vive indignation. « L’armée, qui a adopté une attitude paternaliste envers les femmes depuis qu’elle est au pouvoir, s’en prend tout particulièrement aux manifestantes, leur faisant subir humiliations et traitements dégradants. Les comportements de ce type semble avoir pour but de dissuader les femmes de manifester », a poursuivi Hassiba Hadj Sahraoui. « Cela est malheureusement dans la même veine que les ” tests de virginité ” forcés auxquels les forces armées ont soumis des manifestantes il y a quelques mois. » Des journalistes et d’autres personnes qui filmaient les événements ont été pris pour cible par l’armée et les forces de sécurité. Amnesty International a estimé que cela semblait relever des efforts déployés par le Conseil suprême des forces armées afin de présenter les manifestants comme des émeutiers et d’empêcher que les violations commises par l’armée soient mises en évidence. Le Conseil suprême des forces armées a félicité l’armée et rejeté la responsabilité des violences sur les manifestants, les qualifiant de voyous et de vandales qui, dit-il, ont provoqué l’armée et les forces de sécurité en attaquant des biens gouvernementaux. Un responsable de l’armée égyptienne a suggéré que les manifestants qui se trouvaient devant les bâtiments du gouvernement soient brûlés dans les « fours d’Hitler ». Amnesty International a répliqué que de telles déclarations peuvent uniquement être perçues comme un blanc-seing autorisant l’armée et les forces de sécurité à commettre des violations. Avec les événements de ce weekend, c’est la troisième fois depuis le mois d’octobre que des morts sont à déplorer lors de manifestations, portant le nombre total de décès survenus depuis lors à 84. Début octobre, au moins 28 personnes, dont un soldat, ont perdu la vie après qu’une action de protestation contre la discrimination religieuse au Caire eut tourné au bain de sang. Ce jour-là, les victimes ont été blessées par balle ou eu des membres écrasés, conséquence de la décision de l’armée de lancer des véhicules militaires dans la foule. Au moins 45 personnes ont été tuées lors des opérations répressives déclenchées lors de manifestations au Caire et à Alexandrie en novembre. Selon certaines informations, des corps amenés à la morgue du Caire portaient à la tête et à la poitrine des blessures provoquées par des balles réelles. Le Conseil suprême des forces armées a promis d’ouvrir des enquêtes sur ces affaires, mais aucun résultat n’a jusqu’à présent été rendu public. Plus tôt ce mois-ci, Amnesty International a diffusé des informations indiquant que les États-Unis avaient transféré à plusieurs reprises des munitions vers l’Égypte malgré la répression violente des forces de sécurité à l’encontre des manifestants. « Il est positif de constater que les actions du Conseil suprême ont été condamnées à l’échelle internationale, mais plus que des mots, ce que nous voulons c’est que les partenaires internationaux de l’Égypte adoptent des mesures concrètes pour mettre fin aux abus », a ajouté Hassiba Hadj Sahraoui. « Attendre les conclusions des enquêtes du Conseil suprême des forces armées sur les homicides de manifestants ou d’autres investigations ne suffit pas. Les alliés de l’Égypte doivent agir pour traiter le problème à la source. »