Les violations imputées à l’armée mexicaine doivent être jugées par des tribunaux civils

La condamnation de 14 soldats mexicains pour l’homicide de cinq civils en 2007 est une avancée positive, mais les cas de ce type devraient être jugés par des tribunaux civils et non pas militaires, a déclaré Amnesty International vendredi 4 novembre. Le ministère mexicain de la Défense a annoncé jeudi 3 novembre qu’un tribunal militaire avait prononcé des peines allant de 16 à 40 ans d’emprisonnement pour l’homicide de deux femmes et trois enfants, tués par balle parce que leur véhicule ne s’était pas arrêté à hauteur d’un poste de contrôle militaire dans l’État de Sinaloa. Depuis fin 2006, la Commission nationale des droits humains a reçu plus de 6 000 plaintes relatives à des atteintes aux droits fondamentaux mettant en cause les forces armées mexicaines. Il est cependant très rare que des militaires soient jugés et condamnés pour des violations. « S’il est encourageant que les auteurs de ce crime aient été identifiés et obligés à rendre des comptes, d’importantes questions subsistent concernant le détail de leurs condamnations », a déclaré Susan Lee, directrice du programme Amériques d’Amnesty International. « Par exemple, étant donné l’opacité du système de justice militaire au Mexique, les faits relatifs à l’affaire ne sont pas tous connus du public, et on ignore combien de temps ces hommes seront réellement incarcérés dans une prison militaire », a ajouté Susan Lee. D’après les autorités militaires, avant ces condamnations, seuls deux autres officiers de l’armée ont été déclarés coupables de violations contre des civils depuis l’arrivée au pouvoir du président Calderón, en décembre 2006. L’ensemble des affaires d’abus commis par les forces armées sont traitées par la justice militaire. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a prononcé plusieurs arrêts ordonnant au Mexique de faire en sorte que les atteintes aux droits humains dont l’armée est accusée donnent lieu à des enquêtes et des procès civils. Cette année, la Cour suprême du Mexique a statué que les affaires de violations des droits humains commises par les forces armées ne devaient plus être confiées à la justice militaire. Jusqu’à présent, rien n’indique que des mesures ont été prises en ce sens. Le gouvernement du président Calderón s’appuie sur l’armée pour lutter contre le crime organisé, et notamment contre des bandes de narcotrafiquants lourdement armées. Depuis 2006, le nombre d’allégations de violations des droits humains commises par l’armée a augmenté de manière alarmante. « Exception faite de ces affaires, le système de justice militaire a jusqu’à présent systématiquement failli à sa mission consistant à rendre justice aux victimes de ces abus ou à amener les suspects à rendre des comptes, ce qui favorise un climat d’impunité », a poursuivi Susan Lee. « Il est temps pour les autorités mexicaines de respecter les arrêts rendus par la Cour interaméricaine et la Cour suprême du Mexique, en confiant à la justice civile les enquêtes et procédures relatives aux violations imputées aux forces armées. »