Une victime de «restitution» attaque la Lituanie devant la Cour européenne des droits de l’homme

L’absence d’enquête en Lituanie sur le rôle joué par ce pays dans le programme de « restitutions » mené par les États-Unis a contraint une victime présumée de détention secrète à saisir la Cour européenne des droits de l’homme, a déclaré Amnesty International ce jeudi 27 octobre 2011. Le dossier, enregistré ce jour, est centré sur les allégations d’Abu Zubayda, qui affirme avoir été transféré en 2005 en Lituanie et torturé dans un lieu de détention secret de ce pays. Une enquête parlementaire lituanienne a conclu en 2009 que deux prisons secrètes administrées par la CIA avaient été préparées entre 2002 et 2004 pour accueillir des détenus. Cependant, l’investigation ouverte par les autorités nationales en janvier 2010 sur ces installations a été close un an plus tard pour des motifs plus que douteux. « Les autorités lituaniennes sont tenues d’enquêter sur cette affaire et elles ont les moyens de le faire. Cela dit, il semblerait aussi qu’elles aient peur de ce que la vérité pourrait révéler sur le rôle de la Lituanie dans ces atteintes révoltantes aux droits humains », a ajouté Julia Hall, spécialiste d’Amnesty International sur les droits humains et la lutte contre le terrorisme. « La saisine de la Cour européenne est la preuve que le gouvernement manque de courage et tente de se dérober à ses responsabilités, a-t-elle spécifié. Mais il n’est pas trop tard, le gouvernement lituanien peut encore agir. Il doit rouvrir d’urgence l’enquête judiciaire sur les prisons secrètes. » Abu Zubaydah a été capturé pour la première fois au Pakistan, en 2002. Ses conseils affirment qu’il a ensuite été envoyé en Lituanie, avant d’être finalement transféré à Guantánamo Bay, où il est toujours détenu à ce jour. Les autorités des États-Unis ont publiquement reconnu qu’Abu Zubaydah a été soumis 83 fois au « waterboarding » (simulacre de noyade) pendant sa détention secrète, ainsi qu’à une série d’autres traitements appelés « techniques d’interrogatoire poussé ». Telles qu’elles ont été appliquées à Abu Zubaydah, ces techniques d’interrogatoire s’apparentaient à des actes de torture. À l’origine, les États-Unis avaient prétendu qu’Abu Zubaydah était un des membres clés d’Al Qaïda. Depuis, ils ont abandonné ces allégations et n’ont l’intention de l’inculper d’aucune infraction. En septembre 2011, Amnesty International et l’organisation Reprieve, basée à Londres, ont transmis de nouvelles informations au procureur général de Lituanie dans une tentative de faire rouvrir l’enquête. Le rapport publié par Amnesty International sous le titre Unlock the Truth in Lithuania: Investigate Secret Prisons Now a montré que des éléments de preuve essentiels mis au jour par la première enquête n’avaient pas fait l’objet d’investigations dignes de ce nom et que les nouvelles informations contenues dans ce rapport méritaient d’être prises très au sérieux. La semaine dernière, cependant, le procureur général de Lituanie a annoncé que l’enquête ne serait pas rouverte.