10 manières dont le nouveau président du Nigeria peut améliorer les droits humains

Alors que Muhammadi Buhari, le nouveau président du pays d’Afrique le plus peuplé et le plus riche en ressources pétrolières, s’apprête à prendre ses fonctions, nous cherchons 10 façons dont il pourrait transformer la vie des Nigérians.

1.Conduire une enquête sur de possibles crimes de guerre dans le nord-est du pays

Des enfants, des hommes et des femmesvivent dans la peur constante d’être tués ou enlevés par le groupe armé Boko Haram, ou d’être arrêtés, placés en détention, torturés ou même exécutés par l’armée. Ces actes, qui constituent peut-être des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, doivent faire l’objet sans attendre d’enquêtes indépendantes.

2.Protéger les personnes qui subissent le conflit

Des milliers de civils sont morts lors des attaques sanglantes de Boko Haram et des représailles brutales de l’armée, et des centaines de milliers d’autres ont été contraints de fuir. En janvier, Amnesty a publié des photos satellite montrant que les combats avaient endommagé, ou complètement détruit, plus de 3 700 bâtiments dans deux villes, Baga et Doron Baga.

Un convoi de soldats tchadiens traversant Gambaru, localité située au nord-est du Nigeria, le 26 février 2015. Le Niger, le Cameroun et le Tchad ont lancé une campagne militaire régionale pour aider le Nigeria à combattre le groupe armé Boko Haram. © REUTERS/Emmanuel Braun
Un convoi de soldats tchadiens traversant Gambaru, localité située au nord-est du Nigeria, le 26 février 2015. Le Niger, le Cameroun et le Tchad ont lancé une campagne militaire régionale pour aider le Nigeria à combattre le groupe armé Boko Haram. © REUTERS/Emmanuel Braun

3. Ériger la torture en infraction pénale

La campagne Stop Torture d’Amnesty révèle que la police et l’armée nigérianes ont couramment recours à la torture, et que certaines victimes n’ont que 12 ans. Les coups, les blessures par balle et le viol figurent parmi les méthodes employées. Le nouveau gouvernement peut éradiquer la torture : il doit pour cela l’ériger en infraction pénale et faire en sorte que tous les responsables présumés soient jugés et, s’ils sont reconnus coupables, qu’ils soient condamnés.

Lettre d'un écolier en Allemagne adressée à Moses Akatugba, un homme condamné à mort au Nigeria qui a survécu à la torture. Écrite durant notre campagne Écrire pour les droits de 2014, la lettre dit : « Cher Moses, J'ai été désolé d'apprendre que tu es en prison, innocent. Ne perds pas espoir. Je pense à toi et je t'envoie mes vœux les plus sincères. Tu n'es pas seul. Ton ami, Mugdat.
Lettre d’un écolier en Allemagne adressée à Moses Akatugba, un homme condamné à mort au Nigeria qui a survécu à la torture. Écrite durant notre campagne Écrire pour les droits de 2014, la lettre dit : « Cher Moses, J’ai été désolé d’apprendre que tu es en prison, innocent. Ne perds pas espoir. Je pense à toi et je t’envoie mes vœux les plus sincères. Tu n’es pas seul. Ton ami, Mugdat.” © Amnesty International

4.Renoncer à la loi relative à l’interdiction du mariage homosexuel

Cette loi scandaleuseérige en infraction pénale toutes les relations non hétérosexuelles. Les personnes qui défendent les droits des homosexuels risquent elles aussi d’être emprisonnées.

5.Rendre la justice accessible aux pauvres

Le système judiciaire du Nigeria manque de moyens et est gangrené par la corruption. La plupart des 55 000 personnes détenues dans les prisons surpeupléesn’ont pas les moyens de payer un avocat ni une caution. La majorité n’ont jamais été présentées à un juge. Beaucoup ont été condamnées à l’issue de procès profondément iniques, et plus d’un millier croupissent dans le couloir de la mort.

6.Permettre aux avocats et aux familles de rendre visite aux détenus

Bien souvent, les personnes détenues dans des cellules de la police ou de l’armée ne sont pas autorisées à voir leur avocat ou leurs proches. Cette absence de communication augmente le risque qu’elles soient torturées, tuées ou soumises à une disparition forcée.

7.Empêcher que les gens soient brutalement jetés hors de chez eux

Des centaines de milliers de personnes vivent dans la peur constante d’être jetées hors de chez elles. En adoptant une loi qui interdirait toute expulsion forcée, le gouvernement pourrait empêcher que des quartiers soient détruits et que des familles se retrouvent à la rue sans indemnisation et sans nulle part où aller.

Des militants d'Amnesty devant les bureaux de Shell avec une pétition de plus de 300 000 signatures demandant à la compagnie pétrolière d'indemniser les habitants du delta du Niger et de nettoyer la zone contaminée. La Haye, Pays-Bas, 4 juillet 2012. © Jorn van Eck/Amnesty International
Des militants d’Amnesty devant les bureaux de Shell avec une pétition de plus de 300 000 signatures demandant à la compagnie pétrolière d’indemniser les habitants du delta du Niger et de nettoyer la zone contaminée. La Haye, Pays-Bas, 4 juillet 2012. © Jorn van Eck/Amnesty International

8.Ne pas laisser les compagnies pétrolières s’en sortir impunément

Shell a été récemment acculée à verser 55 millions de livres sterling à une commune du delta du Niger, à titre d’indemnisation pour deux importantes fuites de pétrole. Mais la compagnie n’a toujours pas nettoyé la zone polluée. En exigeant des compagnies qu’elles réparent les pipelines endommagés et qu’elles nettoient les zones polluées lorsque des accidents se produisent, le gouvernement peut protéger des vies, des emplois et l’environnement.

9.Mettre un terme à toutes les exécutions

Le Nigeria a exécuté quatre personnes en 2013. Il s’agissait des premières exécutions depuis 2006. La nouvelle loi relative au terrorisme a élargi le champ d’application de la peine de mort. En violation du droit international, elle autorise aussi que des personnes qui étaient encore des enfants au moment du crime commis soient condamnées à mort. En choisissant une voie radicalement différente et en mettant un terme définitif à toutes les exécutions, le gouvernement pourrait se poser en exemple pour ses voisins.

Un espoir pour l'avenir : des écoliers du Nigeria participent à la campagne annuelle d'Amnesty Écrire pour les droits, décembre 2014. © Amnesty International
Un espoir pour l’avenir : des écoliers du Nigeria participent à la campagne annuelle d’Amnesty Écrire pour les droits, décembre 2014. © Amnesty International

10. Prendre soin des enfants

De nombreux enfants nigérians ne vont pas à l’école, vivent dans la rue et sont maltraités par la police ou en prison. D’autres sont enlevés par Boko Haram ou recrutés de force comme soldats dans l’armée. En protégeant leurs droits à l’enfance, le Nigeria investira pour un avenir plus sûr et apaisé.

Le Nigeria en bref

166 600 000 habitants (ONU, 2012). La moitié environ ont moins de 18 ans.

4 000 personnes au moins tuées dans des attaques de Boko Haram en 2014.

52/53 ans : espérance de vie des hommes et des femmes, respectivement.

70 % : pourcentage des recettes gouvernementales tirées des ressources en pétrole et en gaz.

9 millions d’orphelins (UNICEF)

7,4 % des nourrissons n’atteignent pas l’âge d’un an.

1 Nigérian sur 3 vit dans un bidonville.

2 millions de personnes expulsées de force de chez elles depuis 2000. Beaucoup n’ont toujours pas de foyer.

38 000 personnes sont emprisonnées sans avoir été condamnées pour une quelconque infraction, soit 7 prisonniers sur 10.

Pour en savoir plus : Initiation aux droits humains au Nigeria