Faire entendre les voix des femmes

À l’occasion de la Journée internationale de la femme 2015, nous revenons 20 ans en arrière lors de la rencontre historique de l’ONU à Pékin, au cours de laquelle les dirigeant-e-s du monde ont pris des engagements audacieux en faveur des droits des femmes. Stella Jegher, responsable du réseau Droits des femmes au sein d’Amnesty International, met en lumière l’influence qu’a pu avoir Amnesty dans ce débat, à l’époque, et aujourd’hui.

Il y a 20 ans, à l’automne 1995, la ville de Pékin accueillait un événement historique pour les droits des femmes. La Quatrième Conférence mondiale de l’ONU sur les femmes rassemblait des personnes du monde entier : 5 000 délégué-e-s de gouvernements de 189 pays, des milliers de journalistes et plus de 4 000 représentant-e-s d’ONG se sont rencontré-e-s à l’occasion de cette Conférence.

À 50 kilomètres, dans la ville d’Houairou, 35 000 personnes participaient à la plus grande rencontre d’ONG sur les droits fondamentaux des femmes. En tant qu’ONG autorisée à assister aux deux événements, Amnesty International avait pu relayer les demandes des organisations de défense des droits des femmes présentes à Houairou auprès de la Conférence de l’ONU à Pékin.

Ensemble, elles ont écrit l’histoire, et rédigé l’accord politique sur les droits fondamentaux des femmes le plus global et progressiste jamais adopté par la communauté internationale : Déclaration et programme d’action de Beijing.

Ce fut également un moment historique pour Amnesty. Pour la première fois, l’organisation était autorisée à se rendre en Chine, et a même pu organiser une conférence de presse : une occasion que nous avons saisie pour évoquer les nombreuses violations des droits humains commises dans ce pays. Cela nous a également permis de renforcer notre visibilité en matière de défense des droits des femmes.

Mouvement mondial de citoyens et citoyennes, et organisation de défense des droits humains respectée et expérimentée, Amnesty avait un rôle central à jouer pour que les préoccupations des femmes militantes soient entendues au niveau des gouvernements – et soient représentées dans le Programme d’action.

Les droits des femmes sur le devant de la scèneIntégrer les droits humains des femmes dans le Programme d’action de Beijing ne fut pas chose aisée. Cela faisait à peine deux ans que la communauté internationale avait reconnu les droits des femmes en tant que droits humains lors de la conférence de Vienne. Pourtant, plusieurs gouvernements et groupes de pression souhaitaient déjà revenir sur cette déclaration. Des sujets comme l’interdiction totale de toutes les formes de violence contre les femmes étaient une nouvelle fois contestés.

Amnesty avait demandé que la communauté internationale réaffirme les engagements pris concernant l’universalité et l’indivisibilité des droits fondamentaux des femmes. La violence étatique contre les femmes, les droits des femmes dans les conflits armés, les violences telles que les mutilations génitales féminines perpétrées dans la sphère privée ou dans la société, ainsi que la protection des femmes militantes, comptaient parmi les priorités sur lesquelles Amnesty a tenté d’influencer la conclusion de la Conférence de Beijing.

Après des mois de préparation et 10 jours d’intenses négociations, la communauté internationale a produit « un document sur lequel Amnesty International va pouvoir s’appuyer pour amener les gouvernements à prendre leurs responsabilités », comme l’avait déclaré notre secrétaire général de l’époque, Pierre Sané. La prochaine étape consistait à mettre en œuvre le programme d’action énoncé dans la plate-forme.

De la parole aux actes

Quelques années plus tard, nous avons lancé la campagne Mettre fin aux violences faites aux femmes, une campagne mondiale exhaustive et très suivie. La plupart des enjeux sur lesquels nous nous sommes mobilisé-e-s durant ces six années découlaient directement des promesses faites par les gouvernements à Pékin. Nous avons poursuivi notre étroite collaboration avec les défenseur-e-s des droits des femmes, publié des rapports et mené des actions audacieuses sur de nombreuses formes que revêt la violence faite aux femmes, contribuant ainsi à des avancées concrètes en termes de loi et de politique.

Cependant, les mêmes défis restent à relever aujourd’hui. Les questions les plus controversées concernant les droits des femmes n’ont pas changé. Le droit de chaque femme de prendre des décisions éclairées s’agissant de son corps et d’avoir son mot à dire sur les lois, les politiques et les programmes qui ont des répercussions sur sa vie, est encore remis en cause. C’est pourquoi Amnesty a lancé en 2014 la campagne Mon corps, mes droits, qui rappelle que les droits en matière de sexualité et de procréation sont le pilier des droits fondamentaux des femmes.

Regarder vers l’avant

Les droits en matière de sexualité et de procréation figurent en bonne place à l’ordre du jour d’une réunion de l’ONU qui se tiendra à New York au mois de mars et s’attachera à évaluer les progrès réalisés depuis Pékin. Toutefois, les gouvernements conservateurs et de puissants groupes d’intérêt, notamment religieux, continuent de faire pression pour reléguer les femmes au rôle d’épouses et de mères, museler leurs voix sur la scène politique, et les écarter des rôles importants au sein de la société.

Vingt ans après Pékin, Amnesty a un rôle crucial à jouer pour amplifier les voix des femmes et traduire les demandes des militantes dans la langue de la diplomatie. Dotée d’une large compréhension de la situation des femmes et des jeunes filles dans de très nombreux pays, d’une expérience collective et de partenariats solides avec des organisations de terrain, et de 20 années supplémentaires d’expérience de lobbyisme en faveur des droits fondamentaux des femmes, nous sommes en position de faire entendre leurs voix.

Les droits en matière de sexualité et de procréation sont des droits humains. C’est pourquoi nous lançons le manifeste Mon corps, mes droits, à l’occasion de la Journée internationale de la femme 2015. Signez ce manifeste et rejoignez les citoyens et citoyennes qui défendent ces droits dans le monde entier.