Soudan. Les actes de torture infligés à des journalistes de Channel 4 confirment la nécessité d’enquêter sur les attaques chimiques au Darfour

Les actes de torture infligés à deux journalistes enlevés alors qu’ils se rendaient au Djebel Marra, dans la région soudanaise du Darfour, constituent non seulement un grave affront à la liberté de la presse, mais aussi la preuve que les autorités du Soudan ont quelque chose à cacher sur place, a déclaré Amnesty International mardi 4 avril avant la diffusion d’un documentaire relatant le calvaire qu’ils ont vécu pendant six semaines. 

Phil Cox, un ressortissant britannique, et Daoud Hari, un traducteur et auteur darfourien, avaient été chargés par la chaîne de télévision britannique Channel 4 d’enquêter à la suite des informations publiées par Amnesty International indiquant que les forces de sécurité soudanaises avaient utilisé des armes chimiques contre des civils dans la région du Djebel Marra entre janvier et août 2016.

Pendant près de deux mois, ces deux journalistes ont été enfermés dans une prison et torturés, uniquement pour avoir fait leur travail

Muthoni Wanyeki, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et les Grands lacs

« Pendant près de deux mois, ces deux journalistes ont été enfermés dans une prison et torturés, uniquement pour avoir fait leur travail. Ils ont été roués de coups, soumis à des décharges électriques, délibérément privés d’oxygène et soumis à des simulacres d’exécutions, a déclaré Muthoni Wanyeki, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et les Grands lacs. 

« À voir jusqu’où sont allées les autorités soudanaises pour tenir deux journalistes à l’écart du Djebel Marra, y compris en leur infligeant des actes de torture, on ne peut tirer qu’une conclusion : elles ont quelque chose à cacher. Si aucune arme chimique n’a été utilisée, alors pourquoi ne pas laisser les journalistes faire leur travail ?

« Voilà une raison de plus, s’il en fallait une, d’enquêter de manière approfondie et indépendante sur les attaques chimiques présumées qui ont tué quelque 200 à 250 personnes. »

Pendant leur séjour au Darfour, les deux journalistes ont été enlevés par des membres des Forces d’appui rapide (RSF), une unité de l’armée qui joue un rôle central dans les efforts du gouvernement soudanais visant à endiguer l’afflux de réfugiés vers l’Europe aux termes de l’initiative pour la route migratoire UE-Corne de l’Afrique, également connue sous le nom de Processus de Khartoum. Amnesty International a exprimé son inquiétude à l’idée que les fonds versés par l’Union européenne au Soudan dans le cadre du Processus de Khartoum ne servent à financer les RSF, accusées de très graves violations des droits humains.

À voir jusqu’où sont allées les autorités soudanaises pour tenir deux journalistes à l’écart du Djebel Marra, y compris en leur infligeant des actes de torture, on ne peut tirer qu’une conclusion : elles ont quelque chose à cacher. Si aucune arme chimique n’a été utilisée, alors pourquoi ne pas laisser les journalistes faire leur travail ?

Muthoni Wanyeki, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et les Grands lacs

Après avoir passé une semaine enchaînés à un arbre dans le nord du Darfour, les deux journalistes ont été remis à d’autres forces armées gouvernementales soudanaises et conduits à la prison de Kober, dans la capitale, Khartoum, où ils ont été incarcérés pendant six semaines avec d’autres personnes, parmi lesquelles des défenseurs des droits humains, dont des dizaines étaient détenues sans inculpation.

« Maintenant que le recours à la détention arbitraire et à la torture dans la prison de Kober a été révélé, la communauté internationale doit prendre des mesures. Elle doit exiger que toutes les personnes qui y sont encore détenues soient ou bien libérées, ou bien inculpées d’une infraction reconnue par la loi et jugées par une juridiction civile de droit commun », a déclaré Muthoni Wanyeki.

Complément d’information

Les forces gouvernementales qui ont participé aux attaques chimiques dans le Djebel Marra se sont rendues coupables de multiples crimes de droit international et violations des droits humains, notamment des homicides illégaux, des bombardements aériens menés sans discernement, des déplacements forcés, des viols et des pillages. 

Ces dernières années, beaucoup de militants de l’opposition, d’étudiants et de défenseurs des droits humains ont été arrêtés arbitrairement, torturés et soumis à des disparitions forcées par des agents du Service national de la sûreté et du renseignement (NISS). 

Le NISS est également utilisé pour museler la presse en harcelant et en arrêtant des journalistes. Les journaux sont en outre fortement censurés et il arrive que les autorités saisissent les tirages complets d’un numéro s’ils critiquent le gouvernement.

Bien que la majorité des arrestations arbitraires soient le fait d’agents du NISS, de nombreuses informations font état de telles arrestations effectuées par des fonctionnaires du renseignement militaire.

Hunted in Sudan, le documentaire relatant le calvaire des deux journalistes, sera diffusé sur Channel 4 News les 5 et 6 avril 2017 à 19 heures au Royaume-Uni.