Guatemala : un conflit minier met en jeu des vies et des moyens de subsistance

À quelques kilomètres au nord-est de la bouillonnante Guatemala, capitale du pays du même nom, une ligne de bataille s’est formée dans les montagnes environnant la mine d’or d’El Tambor. Depuis mars, militants et population locale manifestent sans relâche contre l’exploitation de la mine par Radius Gold, une société basée à Vancouver (Canada), et sa filiale, Exploración Mineras de Guatemala (EXMIGUA), dont elle est l’unique propriétaire. Certains habitants affirment qu’ils n’ont pas été consultés sur l’ouverture de la mine et craignent que l’exploitation pollue les ressources en eau et endommage les sols des municipalités de San José del Golfo et San Pedro Ayampuc. Dans la soirée du 13 juin, la situation a pris un tour parfaitement sinistre. Yolanda Oquelí, qui militait ouvertement contre la mine, rentrait chez elle au volant de sa voiture après avoir participé à la manifestation permanente lorsque deux tireurs à moto lui ont coupé la route et ont fait feu à quatre reprises. Une des balles s’est logée près de son foie. Elle se remet actuellement de cette agression et son état est stable malgré la gravité de ses blessures. Quand Amnesty International a rencontré Yolanda Oquelí en mai, elle a parlé à l’organisation de son travail avec le FRENAM (Front nord de la zone métropolitaine, populations en résistance), un groupe local qui réclame une véritable consultation des habitants autour du projet minier. « Lorsque j’ai rencontré Yolanda le mois dernier, elle m’a dit qu’elle savait que son travail lui faisait courir de gros risques mais qu’elle continuait pour l’avenir de sa communauté et de ses enfants », a déclaré Gabriela Quijano, conseillère juridique d’Amnesty International dans le domaine de la responsabilité des entreprises en matière de droits humains. « Yolanda œuvrait pour faire mieux prendre conscience des possibles conséquences de la mine pour les terres et les moyens de subsistance de sa communauté, et ce malgré les dangers qui la guettaient. » Yolanda Oquelí a également parlé à Amnesty International des menaces de mort qu’elle avait reçues. En raison de son action pour défendre les droits fondamentaux de sa communauté, elle a été sans cesse victime d’actes de harcèlement : elle a notamment reçu des menaces de mort et des appels téléphoniques menaçants et sa maison a été vandalisée à la peinture. Yolanda Oquelí a déposé plusieurs plaintes auprès du parquet, la plus récente datant du 11 mai, au sujet des menaces dirigées contre elle et d’autres militants. À ce jour, rien n’a été fait pour les protéger, elle et sa famille. « L’attaque dont Yolanda Oquelí a été victime doit agir comme un signal d’alarme pour les autorités guatémaltèques : les vies des militants sont en jeu uniquement parce qu’ils essaient de faire en sorte que les droits humains de leur communauté ne soient pas bafoués lorsque les sociétés minières et les autres industries extractives commenceront leurs activités », a déclaré Sebastian Elgueta, spécialiste de l’Amérique centrale à Amnesty International. « Une enquête indépendante et impartiale doit être menée afin de traduire en justice ses agresseurs et une protection adaptée doit être offerte à tous les militants agissant pour défendre les droits fondamentaux de leur communauté face à des projets d’exploitation minière », a affirmé Tara Scurr, chargée de campagne pour Amnesty International Canada. « D’un bout à l’autre du pays, les Canadiens sont révoltés par ces attaques et ils ont honte qu’une fois encore une personne agissant en faveur des droits humains qui a dénoncé les activités d’une compagnie minière canadienne ait été attaquée. » Fréquemment pris pour cibles Dans tout le Guatemala, les défenseurs des droits humains travaillant sur les droits sociaux, économiques et culturels sont régulièrement harcelés et agressés. Amnesty International a rassemblé des informations sur un certain nombre de communautés menacées après le lancement dans leur région de projets miniers, souvent portés par les filiales locales de sociétés étrangères. En février 2011, des manifestants de la région de San Marcos, dans le nord-ouest du pays, ont été attaqués après s’être opposés à Marlin Mine, une compagnie locale détenue par la société canadienne Goldcorp Inc. Le militant communautaire Aniceto López, a été conduit au bureau du maire de la commune, où des hauts responsables l’auraient battu et menacé de le tuer s’il continuait de s’opposer publiquement à cette mine. En juillet 2010, une autre militante communautaire de San Marcos, Deodora Hernández, a été abattue devant chez elle par deux inconnus. Elle s’était également exprimée pour défendre les droits de sa communauté en matière d’accès à l’eau, les activités minières étant soupçonnées d’avoir pollué les ressources en eau locales. Obligations internationales Toutes ces affaires montrent l’incapacité du Guatemala à remplir ses obligations internationales, non seulement lorsqu’il s’agit de mettre un terme à la violence contre des manifestants pacifiques et des défenseurs des droits humains mais aussi quand il devrait veiller à ce que les communautés susceptibles d’être affectées par les activités minières soient véritablement consultées. Lorsque James Anaya, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, s’est rendu au Guatemala en juin 2010, des allégations lui sont parvenues selon lesquelles le gouvernement guatémaltèque aurait à plusieurs reprises accordé des permis pour l’exploitation de ressources naturelles situées sur des territoires indigènes, sans consulter auparavant les populations indigènes locales et sans obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.